Le Boeing YC-14.






"" Efficace mais complexe, le cargo ADAC ""


Son histoire grâce à la revue Aviation Magazine International n°723 du 1 février 1978.

Texte de Jacques GAMBU, dessins de Jean PERARD.

Sur le sujet voir aussi : La revue Air Fan n°99 de février 1987.



Historique : C'est entre les deux guerres dernières que l'ingénieur Coanda mit en évidence le fait qu'un écoulement fluide le long d'une paroi suivait cette paroi. Selon l'objectif à atteindre, il suffisait alors, de donner à la paroi le profil désiré pour obtenir l'effet recherché, l'effet Coanda.
Avec le Breguet 941, le soufflage des hélices permettait d'obtenir cet effet lors du braquage des volets de bord de fuite à triple fente, et ceci jusqu'à là verticale. On obtenait ainsi une augmentation de portance sensible.
Pour obtenir un effet analogue avec des réacteurs, et non plus des turbopropulseurs, il fallait mettre au point de nouvelles dispositions. Avec le Boeing YC-14, une solution est offerte, qui n'intéresse pas toute l'envergure de l'aile, comme Br-941, mais procure un flux à très haute vitesse, donc énergie et forte portance.

C'est au début 1972 que l'US Air Force soumit ses spécifications AMST (Advanced Medium Short Take off and landing) à neuf firmes américaines. Les réponses parvinrent de Bell Aerospace, Boeing Fairchild Industries, Lockheed et North American Rockwell, associés en la circonstance, et McDonnell Douglas.
A l'examen de ces propositions, les projets de Boeing et McDonnell Douglas furent retenus et, le 10 novembre 1972, les deux firmes recevaient commande de deux prototypes chacune, le Boeing YC-14 et le McDonnell Douglas YC-15, afin d'ouvrir une compétition au niveau des essais en vol, techniques puis opérationnels.

Le programme AMST de transport logistique veut voir les cargos parvenir au plus près des lignes, d'où d'indispensables qualités ADAC. Le Boeing YC-14 (ci-dessus) voit sa voilure centrale et ses volets soufflés par deux réacteurs General Electric CF6-50.
Source: La revue Aviation Magazine International n°703 du 1 avril 1977.

Premier décollage intervenu le 16 février 1977, du prototype n°1 du transport militaire McDonnell Douglas YC-15 doté d'un réacteur General Electric/Snecma CFM 56 à double flux et fort taux de dilution. Cette diférence de taux, relativement aux trois autres réacteurs, est manifeste en raison du diamètre d'entrée d'air.
Source: La revue Aviation Magazine International n°702 du 15 mars 1977.

Le salon du Bourget en 1963, les brillantes démonstrations du Breguet 941 laissèrent espérer qu'une révolution était en marche.                                            Source: Le Fanatique de l'Aviation n°524 de juillet 2013.


Considérons les conditions du développement du Boeing YC-14. Les deux prototypes devaient voler en septembre et novembre 1975. Cependant, la limitation des budgets accordés aux YC-14 et YC-15, sur l'année fiscale 1974, par le congrès et ramenant les crédits de 65 à 25 millions de dollars cette limitation retarda le développement de deux ans. Si bien que le premier YC-14 (01873) vola le 9 août 1976 et le second le 21 octobre de la même année (01874).
Sept mois plus tard, les deux prototypes avaient totalisé 371 heures de vol et 546 sorties et 368 atterrissages courts. Le programme d'essais avait déjà inclus une vitesse minimale sur moteur de 125 km/h, un atterrissage avec un moteur au ralenti et un décollage sur un seul réacteur.
Lors des atterrissages, la dispersion du point d'impact n'a jamais excédé 38 m, avec une distance minimale de 11 m. Le roulement minimal à l’atterrissage a été de 118 m, face à un vent de 38 km/h et avec usage de la reversion de de poussée, le tout sur un sol non préparé, mais sec. Les décollages typiques n'excèdent pas 300 m de roulement et certains ont été effectués par des vents traversiers de 90° et 75 km/h.

"" La voilure et les moteurs ""
Dans le cas particulier du Boeing YC-14, voilure et réacteurs sont indissociables, la première recevant les effets de soufflage des seconds.
Les deux prototypes ont rassemblé les derniers progrès de la technologie aéronautique. Et, bien entendu, la voilure est le siège des principaux dispositifs d'avant-garde. Tout d'abord, le profil est supercritique aux fins de bonnes performances de croisière rapide, notamment en vol de convoyage.
Le dièdre est nul. Au bord d'attaque, d'une flèche de 9°, on trouve, sur toute l'envergure, des fentes actionnées, à partir d'un moteur central, par des arbres de torsion, des renvois d'angle et des vérins mécanique d'attaque, à raison de deux par élément de fente, soit 16 par demi-aile.
De plus, un système de soufflage de la partie fixe du bord d'attaque accélère la circulation entre la fente et voilure, par induction.
Le bord d'attaque comprend une sorte de plan central recevant les moteurs, alors que le bord de fuite voit sa partie directement soufflée par le jet des réacteurs, présenter une partie normale au plan de symétrie de l'avion. Les demi-ailes externes affichent une flèche inverse de 7°.
Dan la partie soufflée, à bord de fuite droit, on trouve des volets à double fente et deux éléments étagés en profondeur et dont les angles de braquage sont respectivement de 41,17 ° et 69,80°. En amont de ces volet, quatre générateurs de tourbillons agissent également comme déviateurs de jet augmentant la nappe de soufflage vers les volets, sont normalement escamotés.
Chaque demi-aile est dotée de volets à double fente et dont les braquages sont de 36° pour l'élément avant et 58° pour l'arrière. Enfin, on trouve les ailerons d'extrémité, capables d'être braqués de 30° vers le haut et 10° vers le bas (lacet). En amont des volets centraux et extérieurs, des spoilers de grande profondeur sont divisés en cinq éléments de chaque côté et capable d'un braquage maximal de 45°. Ils agissent aussi bien en destructeurs de portance, en action simultanée, qu'en assistance des ailerons dans certains cas de vol, en action différentielle.
La structure de la voilure est bilongeron avec caisson inter-longerons.  
   
Ce gros plan de trois-quart arrière rassemble les éléments aérodynamique faisant la particularité de l'appareil.    En 1. -  Les coquilles d'inversion de poussée. - 2. Portes latérales élargissant la nappe de soufflage de la tuyère principale. - 3. - 4. Cette nappe est encore diffusée par quatre vortex escamotables. - 5. Volets soufflés, ici à braquage limité. - 6. Volets externes non soufflés, mais à double fente. - 7. Les cinq spoilers de l'aile gauche braqués à 45°.
Source: La revue Aviation Magazine International n°723 du 1 février 1978.

Le YC-14 volant sur le seul réacteur droit. La croix peinte sur le cône de la soufflante atteste bien que le moteur gauche est stoppé.
Source: La revue Aviation Magazine International n°723 du 1 février 1978.


Les moteurs sont attelés sur le longeron avant par l'intermédiaire de nacelles dont les parois ont subi un traitement acoustique. Leur position, nécessitée par l'obtention de l'effet Coanda sur l'extrados de la voilure et les volets présente parallèlement d'autres avantages. C'est ainsi que l'ingestion de corps étrangers ne saurait être considérée.
D'autre part, les inverseurs de poussée, situés au-dessus de l'extrados de l'aile, ne risquent pas de projeter sur l'appareil divers pierres et corps dits étrangers. De plus, leur action implique une composante verticale qui, liée à l'action des destructeurs de portance, plaque littéralement, l'appareil contre le sol et procure une efficacité maximale aux freins de roues principales.
Un autre avantage réside dans le niveau de bruit. Celui-ci est déjà faible en raison du moteur lui-même à fort taux de dilution (Airbus),mais la disposition sur le YC-14 des deux réacteurs font que l'éjection se produit au-dessus de l'aile, celle-ci formant écran par rapport au sol.
Reste le cas de panne d'un réacteur, donc d'une situation dissymétrique pouvant induire un couple de roulis capable d'amener la destruction de l'avion au décollage ou à l'atterrissage. Pour éliminer ce risque, la première disposition a été de monter les moteurs au plus près du plan de symétrie, ce qui réduit les couples de lacet et de roulis nuisibles.
Tout d'abord, précisons les dispositions prises. En premier lieu, citons un système électronique triple qui maintient, lors de l'approche et de l'atterrissage, la vitesse et l'assiette de l'avion par rapport au sol.
Ensuite, un écran TV montre en permanence la zone d'atterrissage et permet de confirmer les conditions d'atterrissage, choix du point d'impact, angle de descente (6° en moyenne), assiette, etc...

Coupé d'un moteur et système de soufflerie.    Source:Aviation Magazine n°723 de février 1978.

Le système de la télévision sur le Boeing YC-14.
Source: La revue Aviation Magazine International n°723 du 1 février 1978.



Ajustement automatique du système hypersustentateur général en cas de panne d'un moteur, ce dernier point mérite un développement.
Dans ce cas, il convient de rétablir la symétrie du système hypersustentateur. Pour cela, le moteur actif voit son soufflage diminué par rétraction des volets soufflés jusqu'à un braquage éliminant les fentes, donc la portance correspondante, cependant que les volets de toute l'aile du côté moteur stoppé sont braqués à fond de façon à bénéficier au maximum de l'effet de fente. Même si l'hypersustentation n'est pas absolument symétrique, le système électronique de contrôle de vol continue d'agir sur les autres gouvernes de vol, stabilisateur, profondeur, gouvernail, spoilers et ailerons, cependant que le contrôle du moteur actif est modulé, tant en soufflage qu'en poussée pour maintenir la vitesse d'approche et les marges de manœuvre.
Au plan des commandes de vol, soulignons que celles-ci sont doubles. En effet, le contrôleur de vol électrique agit sur toutes les gouvernes au moyen de commandes électriques (fly by wire), à travers les calculateurs électroniques triples. Mais toutes les gouvernes sont également commandées de façon conventionnelles, par câbles venant sollicité les servocommandes ou vérins et doubler ainsi les commandes électriques en cas de panne générales. Soulignons encore que ces commandes conventionnelles sont utilisées comme système principal lors des vols à haute altitude et à grande vitesse.  


Plan trois vues du YC-14 en configuration "tout rentré".
Source: La revue Aviation Magazine n°723 du 1 février 1978.


"" Le fuselage ""
Etant donné la "puissance aérodynamique" de la voilure soufflée aussi bien au bord d'attaque qu'au bord de fuite, Boeing a retenu un large fuselage de type "wide body". Le diamètre extérieur est, en effet, de 5,43 m. Bien sûr, la section évolue à l'arrière vers une forme aplatie en raison de la trappe de chargement. La soute elle-même, non compris la trappe, offre une longueur de 14,33 m, une largeur maximale de 3,57 m et une hauteur de 3,65 m.
La trappe ouverte en vol permet des largages de masses allant jusqu'à 9 tonnes. Deux portes latérales sont à la disposition des parachutistes. Signalons encore que le YC-14 offre des possibilités de ravitaillement en vol, des essais simulés ayant eu lieu avec succès.

"" Les empennages ""
Etant donnée l'importance de la propulsion (plus de 46 tonnes) et du rôle de la voilure soufflée, des empennages actifs devenaient nécessaires pour répondre à la tenue de l'avion dans tous les cas de vol.
L'empennage vertical, de grande surface et en faible flèche, est sensiblement rectangulaire. Le gouvernail est à double volet en profondeur et trois éléments en hauteur. Chaque élément est actionné par une servocommande électro-hydraulique asservie aussi bien aux commandes électriques qu'à celles manuelles, comme il en est de toutes les gouvernes de vol.
Chaque volet antérieur peut être braqué de 25° de chaque côté, le volet lui faisant suite connaissant le même débattement. En fonction de trim, les angles maximaux de braquage sont de 16° et 16,5° de chaque côté.
Le stabilisateur trapézoïdal, affecte un dièdre inverse de 5°. L'envergure est de 16,68 m. Le plan fixe, réglable pour les fonctions de trim, peut être braqué selon une marge allant de 6° vers le haut et 10° vers le bas.
La gouverne de profondeur, à double volets, sont capables de braquages maximaux de 30° et 30° vers le haut, pour les deux éléments avant, et de 20° et 20° vers le bas pour ceux arrière. Ces angles montrent combien l'efficacité de la profondeur est sollicitée selon les cas de vol et notamment aux basses vitesses.


Avec 44 tonnes de poussée disponibles, le Boeing YC-14, du même programme AMST que le YC-15, offre des performances de décollage et d'atterrissage courts qui restent spectaculaires sans plus. Il faudrait revoir le même appareil avec sa charge militaire prévue au programme.
Source: La revue Aviation Magazine n°708 du 15 juin 1977

Le McDonnell Douglas YC-15 a traversé l'Atlantique avec trois réacteurs américains et un quatrième franco-américain, en l'occurrence le CFM 56 de General Electric et de la Snecma. C'est dans cette configuration qu'il a été présenté au Bourget.
Source: La revue Aviation Magazine International n°708 du 15 juin 1977.


"" Le train d'atterrissage ""
L'atterrisseur tricycle escamotable offre une voie de 5,66 m pour un empattement de 12,30 m.
Toutes les roues, munies de pneus à basse pression, sont du type "tirées" et leur relevage s'effectue vers l'arrière et dans l'axe. L'ensemble de l'atterrisseur comprend un diabolo avant et quatre roues de chaque côté pour le train principal. En vérité, pour le train principal, il ne s'agit pas de boggies, mais de deux diabolos indépendants disposés en tandem. 




Source pour les trois photos: La revue Aviation Magazine International n°723 du 1 février 1978.


"" De remarquables performances ADAC...mais à quel prix ""


Vitesse maximale au niveau de la mer ISA : 650 km/h.
Vitesse maximale en altitude : 811 km/h.
Vitesse de croisière économique, en altitude : 723 km/h.
Vitesse ascensionnelle à 72 575 kg : 32,25 m/s.
Vitesse d'approche : 160 km/h.
Vitesse minimale : 125 km/h.
Plafond pratique : 13 715 m.
Longueur de décollage en condition ISA : 305 m.
Longueur de piste au décollage, ISA : 527 m.
Longueur de piste à l'atterrissage, ISA : 560 m.
Rayon d'action en opération : 740 km.
Autonomie de convoyage : 5 130 km.

"" Caractéristiques du Boeing YC-14 ""
Envergure : 39,32 m.
Longueur hors tout :40,13 m.
Hauteur : 14,73 m.
Surface alaire : 164 m².
Masse à vide équipé : 53 297 kg.
Combustible : 30 118 kg.
Masse transportable en ADAC :18 000 kg.
Masse transportable en conventionnel : 27 000 kg.
Masse totale en ADAC : 77 112 kg.
Masse totale en conventionnel : 107 500 kg.
Masse maximale à l'atterrissage : 72 575 kg.
Charge alaire : 444,30 kg-m².
Puissance : Deux General Electric CF6-50D de 23 130 kgp.

Epilogue : Le projet fut abandonné en 1979 suite à des réductions de budget, l'un des exemplaires fut rendu à Boeing.
Sur les deux prototypes : l'un se trouve au Pima Air and Space Museum et l'autre à l'AMARC. 
  
L'appareil lors d'un atterrissage sur une piste non préparée. Les coquilles de l'inversion de poussée sont en action, ainsi que les spoilers agissant, ici, comme destructeurs de portance.


Une photo très rare montrant les deux YC-14 construits en vol de conserve. Le second prototype fut camouflé après son arrivée à Edwards FTC alors que le premier demeura dans sa livrée tout métal, une bénédiction pour les reconnaître au premier coup d’œil. (Photo Boeing).
Source: La revue Air Fan n°99 de février 1987. 



Jean-Marie  




















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