Le Saunders Roe LTD "Black Knight"








""Premier engin britannique de haute altitude ""

L'histoire grâce à Aviation Magazine n°264 du 1 décembre 1958.
par James Hay STEVENS.



Si le centre de Farnborough et la firme Saunders Roe ont largement parlé de l'engin "Black Knight" depuis son essai du 7 septembre dernier à Woomera-Australie, "Black Knight" ainsi que son programme de développement restent toujours du domaine du secret militaire.
Le projet "Black Knight" naquit à Farnborough en 1955. Sa conception d'ensemble et sa fabrication furent confiées à Saunders Roe (la mise en chantier remonte au 16 avril 1956 et le premier test, un an après jour pour jour) tandis que Armstrong Siddeley s'occupait de réaliser le propulseur d'après les dessins du Centre de Farnborough.

Le docteur G.W.H. Gardner, directeur du Centre de Farnborough, D.J. Lyons, chef du département des engins balistiquesn J.E.P. Dunning, responsable à Westcott de la division propulsion par fusée, M. J. Brennam, chargé du bureau d'études de Saro, P.L. Leyton, ingénieur en chef du département fusée de Saro et S. Allen, de la section engins sont les principaux techniciens qui ont participé à "Black Knight". 
Le "Black Knight" ne fut dévoilé qu'à la dernière journée de Farnborough. Haute de 10,67 m, cette fusée expérimentale, contruite par Saunders-Roe, a été lancée à Woomera le 7 septembre. Elle a atteint une altitude de plus de 500 km. Elle est propulsée par une fusée Armstrong-Siddeley. Les Anglais sont fiers d'avoir résolu le problème de retour du cône en atmosphère dense. 
Source: Aviation Magazine n°260 du 1 octobre 1958.


Le coût total de cet engin, y compris les essais à venir s'élève à environ 6 milliards de francs (de l'époque). Il est évident que ce chiffre sera largement dépassé si on transforme "Black Knight" en engin à deux étages et à plus forte raison si on en fait une fusée spatiale à trois étages en utilisant par exemple le premier étage de "Blue Streak".
L'engin actuel est destiné à étudier les systèmes de guidage et de contrôle ainsi que le problème du retour du cône dans l'atmosphère, les résultats obtenus devant être exploités dans l'engin balistique Intercontinental de De Havilland.
Un certain nombre d'informations ont été données depuis l'essai de "Black Knight". Des maquettes ont d'ailleurs été exposées aux stands du Centre de Farnborough et de Saro au dernier Salon de Farborough.
L'emplacement prévu pour "Black Knight" à Farnborough a pu également être visité ainsi que le portique d'essai de Saro à l'île de Wight.

Un Blue Streak, ayant terminé les tests à Spadeadam, subit des vérifications avant lancement au Weapons Research Establishment à Woomera, Australie, où furent effectués tous les lancements initiaux.
Source: Les Fusées et Missiles aujourd’hui de Bill Gunston aux éditions Elsevier Séquoia.


"" La cité des essais statiques de l'engin ""
L'emplacement choisi par Saro pour "Black Knight" a nettement facilité sa mise au point. Cet emplacement très accessible a nécessité seulement le déblaiement de 10 000 tonnes de terre calcaire et quelques aménagement en béton armé.
Saro utilise en effet les salles souterraines d'un vieux fort datant de 1860 près de The Needles et comme l'ensemble se trouve près de pentes descendant abruptement vers la mer, le bruit est par conséquent très atténué.
Il a donc suffit d'installer deux soubassement en béton pour supporter les portiques d'essai, un blockhaus d'observation, des chemins d'accès, un réservoir d'eau et des canalisations hydrauliques et électriques. Chacune de ces tours (une seule est opérationnelle) est donc situé sur un bloc de béton armé avoisinant un fossé contenant un conduit coudé d'échappement fait en tôle de chaudière et refroidi par une trombe d'eau se déversant à 136 000 litres-minute.  
Vue d'ensemble du centre d'essais Saunders-Roé à High Down. Au premier plan, la tour de commandement. L'abri de l'officier de sécurité est en contrebas.
Source: Aviation Magazine n°264 du 1 décembre 1958.


Le prototype de la rampe de Woomera, faite en acier profilé, est fixé sur cette base. Quant au portique, il consiste en une série de plate-formes donnant accès aux différentes parties de l'engin. Au sommet, monté sur rail, se trouve un palan et de face, sur toute la hauteur, une porte livrant passage à l'engin. Toutes les servitudes y compris le ravitaillement en carburant et comburant sont attenantes au portique.
Non loin du portique, le blockhaus contient les pompes à eau, les fentes blindées d'observation ainsi qu'un périscope utilisé par l'officier de sécurité qui dispose d'un système complet de contrôle et peut à tout instant stopper le déroulement des manœuvres au cas où un incident se produirait.
Le vieux fort abrite trois salles souterraines : la salle de contrôle où tout est automatique dès le moment du démarrage; la salle des instruments où sur des panneaux sont répartis les appareils de mesures de pression, de température, etc.; la salle d'enregistrement où deux cents canalisations sont reliées à des oscilloscopes, magnétophones, etc. Quant à la préparation proprement dite, elle s'effectue dans diverses salles, l'une réservée aux instruments, l'autre à l'équipement électronique, une troisième à l'engin.
Ces dispositions servent principalement pour les tirs simulés ainsi que pour les essais de propulseurs.
Les détails concernant les tirs simulés n'ont pas encore été divulgués mais ces tirs incluent certainement toute la procédure du tir sauf la mise à feu de la fusée.
Quand une mise à feu est expérimentée, l'engin est solidement retenu au sol, tandis que les éléments propulseurs développent toute leur poussée. Si, au début, ces essais avaient lieu surtout pour découvrir les éventuels "pépins", aujourd'hui ils ne sont plus qu'une simple routine. 
Mise à feu du "Black Knight" (prototype), sur sa tour de lancement.
Source: Aviation Magazine n°264 du 1 décembre 1958.


"" Le "Black Knight" ou le Chevalier noir ""
L'aspect général de "Black Knight est celui d'un crayon géant dont les dimensions officielles avoisinent les 10,70 m de haut et 0,90 m de diamètre. Un empennage est fixé à sa base.
Des différences sensibles existent entre le "Black Knight" des photos de Woomera, l'engin montré à Farnborough et les deux autres de Saro à High Down.
Il faut, pour qu'un engin atteigne une altitude ou une portée maximum, que le "rapport de masse" soit maximum, ce qui donne également en fin de combustion un rapport poussée/masse maximum.
Dessiner un engin est donc une gageure : des parois très mince pouvant supporter de fortes compressions et éviter toutes déformations éventuelles, sans parler des problèmes qui se posent en raison des variations de poussée et du basculement de l'engin sur sa trajectoire, après la montée initiale ! D'autre part, quand les réservoirs sont sous pression, la carcasse de l'engin est certainement soumise à des efforts supplémentaires.
La carcasse de "Black Knight" construite par Saro est en alliage léger, probablement d'un millimètre seulement d'épaisseur. La rigidité est obtenue au moyen de cadres annulaires en forme de C et par des raidisseurs longitudinaux (ce qui est très classique). Le prototype comprenait 16 raidisseurs semi-circulaires extérieurs tandis que dans le "Black Knight" de série,  ceux-ci sont internes à l'exception de quatre qui referment les circuits électriques et les canalisations d'alimentation. 
L'engin est surmonté d'on cône d'environ 1,50-1,75 m de long (le cône authentique n'a pas encore été montré pour des raisons de sécurité).
Sous ce cône, le compartiment électronique (0,90 m environ) puis le réservoir de carburant (1,25 m), ensuite le réservoir de comburant (5 m), en bas le compartiment des instruments de contrôle et le moteur-fusée (environ 1,50 m). Les raidisseurs extérieurs, le compartiment électronique ainsi que le moteur proprement dit sont rivés. L'armature des réservoirs et les raidisseurs intérieurs sont soudés par point à la carcasse de l'engin, celle-ci étant faite de portions de cylindres renforcées à leurs extrémités et soudées.
Les premières centaines de mètres de la trajectoire de l'engin constituent la partie la plus délicate de son parcours et pour s'équilibrer le "Black Knight" comporte quatre embryons d'empennage à profil supersonique.
Le corps monté sur un empennage du "Black Knight" abrite des instruments.
Source: Aviation Magazine n°264 du 1 décembre 1958.

Le compartiment du propulseur auquel sont fixés ces empennages apparaît, comme le montre le film de Saro, nettement renforcé par rapport au reste de l'engin. Les vibrations se révèlent en effet considérables à cet endroit lorsqu'au cours des essais, on change l'inclinaison des tuyères. Il semble que quatre chambres de combustion soient encastrées autour d'un noyau central.
L'emploi de quatre chambres doit sans doute multiplier les possibilités de pannes, mais il laisse la possibilité de les associer par paires.
La poussée de "Black Knight" n'est pas connue. Le diamètre de la jaquette de refroidissement des tuyères est de 250 mm. 
Les quatre échappements de 75 mm situés entre les tuyères montrent que les turbines HTP (High test peroxyde) servent à entraîner les pompes à combustible, à comburant et hydrauliques. Quant à l'oxygène dégagé dans les chambres de combustion après catalyse au contact de treillis en bronze argenté, il ne sert pas aux turbines.
L choix du HTP a sans doute contribué au succès de "Black Knight" dès son premier tir; c'est en effet un des combustibles les plus dociles et il ne gèle pas (ce qui fut la cause de certaines mésaventures à Cap Canaveral).
Rappelons que De Havilland et Saro s'intéressent au HTP depuis un certain nombre d'année. Citons les propulseurs DH "Sprite", "Super Sprite" et le "Spectre". Les avions Saro SR-53, le SR-177 ainsi que toute une gamme de réservoirs et d'équipements.  
La fusée De Havilland "Spectre", en deux variantes : poussée variable ou fixe.
Source: Aviation Magazine n°237 du 15 octobre 1957.
Le Saunders-Roe SR-53 du Musée de la RAF à Cosford.
Collection Alain Bertini.
Une maquette du SR-177 : Propulsé par un réacteur-fusée, le Saunders-Roe SR-177, un intercepteur à hautes performances, intéressa la Luftwaffe. Mais sa réalisation fut arrêtée à la suite de la publication, en 1957, du Livre Blanc de défense britannique.
Source: Avions et Pilotes n°36 aux éditions Atlas.
Les quatre tuyères d'éjection des fusées sur le "Black Knight".
Source: Aviation Magazine n°264 du 1 décembre 1958.


"" Le tir ""
L'inspection de l'engin, de sa rampe de lancement et du film réalisé par Saro donnent des indications relatives aux procédures de tir de l'engin.
L'installation complète de l'équipement électronique ainsi que celle des batteries à éléments alcalins s'effectuent alors que l'engin est maintenu par deux larges étriers circulaires reliés par quatre barres d'accouplement. Les étriers reposent sur des galets ce qui permet de manipuler l'engin. Toujours en place sur ses étriers, l'engin est placé sur un chariot rigide et amené par sa base vers le portique grâce à des rails s'ajustant au chariot. Un palan permet de placer l'engin en position verticale.
Le portique de Woomera est une version mobile de celui de Saro à High Down. Une fois en position de tir, les stabilisateurs sont fixés à sa base, les réservoirs remplis et amenés à la pression requise.
Le système de mise à feu et les autres commandes sont alors fixés à la base de "Black Knight" et deux prises multiples à 80 fiches reliées au compartiment électronique. Les câbles, au moment d'u tir sont supportés par un poteau et on imagine aisément que les deux prises multiples établissant les contacts peuvent être déconnectées automatiquement.
Les "bougies" sont placées axiale-ment sur leurs supports se trouvant dans des renflements à la base de l'engin et sont enlevés par des tirants faisant corps avec la rampe de lancement.
L'engin repose sur quatre pieds encastrés dans sa partie inférieure, en connexion avec la rampe. 
Le tir de "Black Knight". Source: Aviation Magazine n°260 du 1 octobre 1958.






                                                                         Jean-Marie
  




























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