L'histoire du paquebot FRANCE









"" Le super palace de l'Atlantique ""

Historique: La revue Science et Vie n°532 de janvier 1962.
Bateau radio-commandé à l'échelle 1/200, construit par Claude Leyval aujourd’hui décédé.
Claude était au Club Modélisme et Scientifique du Jarnisy 54.



Les cheminées caractéristiques
du "France", destinées à éviter
le rabattage des fumées par
vent violent.
Source: Science et Vie n°532.
Avant-propos: C'est le 7 novembre 1957 que sur la cale qui avait vu naître "Normandie" fut posée, aux Chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire, la première tôle du futur "France" et c'est le 11 mai 1960, à 16h15' précises, que le navire fut lancé. 
Cinquante-deux mois de travail auront donc été apparemment nécessaires pour édifier cette cité flottante de 55 000 tonnes et l'amener, équipée et rodée, au seuil de son premier voyage régulier vers New York.
En fait, il en aura fallu bien davantage puisque c'est à partir de 1952 que les services techniques de la Compagnie Générale Transatlantique commencèrent à se préoccuper du remplacement du vieil "Île-de France" et à étudier sérieusement plusieurs projets.
Nous ne reviendrons pas ici en détail sur les controverses de tous ordres qui retardèrent la décision finale et firent que l'Etat ne donna son feu vert aux armateurs qu'en juin 1956, après d'ailleurs que les syndicats de marins et de dockers l'aient pressé de se prononcer.Si tout le monde était d'accord ou presque pour dire et répéter que le pavillon ne pouvait disparaître de l'Atlantique Nord, personne, ou peu de gens, l'était sur le choix des moyens.
Fallait-il construire un paquebot de 55 000 tonnes ou deux de 35 000 ? des navires filant 24 nœuds et traversant l'Océan en six jours ou des bateaux plus rapides de 30-31 nœuds, couvrant la distance en cinq jours ?
Le bon sens fit pencher la balance en faveur d'un seul navire grand et rapide.
Le paquebot "Île-de-France" 1927-1959.  
Source: Le site cargos-paquebots.net
Navires représentés dans la Galerie de Gérard Né/Françoise Massard.


Ainsi naquit "France", troisième du nom au sein de la Générale Transatlantique et trente-troisième descendant d'une dynastie de paquebot ayant commencé à relier Le Havre à la côte américaine un siècle plus tôt.
Le nouveau navire devant effectuer la traversée en cinq jours, escale anglaise à quai comprise, en transportant 2 000 passagers, dont 500 en 1re classe et 1 500 en classe Touriste, plus un milliers d'hommes d'équipage, ses caractéristiques principales étaient fixées comme suit:
Longueur hors tout................................315,66 m.
Longueur à la flottaison..........................299,25 m.
Largeur maximale.................................33,70 m.
Hauteur du haut de la cheminée au-dessus de la ligne zéro...................................................54,40 m.
Hauteur du mât radar sur la ligne zéro......66,90 m.
Tirant d'eau en charge...........................10,48 m.
Déplacement en charge.........................55 000 t.
Port en lourd.......................................13 000 t.
Volume des cales et entreponts..............6 600 m3.
Jauge brute........................................66 000 tx.
Puissance des machines.......................160000 ch.
Vitesse maximale................................34 nœuds.
Vitesse de route..................................30-31 n.

Il était entendu que, pour obtenir le plus haut coefficient de sécurité possible, le navire serait divisé en quinze compartiments (contre 11 à "Normandie") et doté d'une double coque sur toute la longueur des huit tranches affectées aux machines principales, auxiliaires et aux chaufferies, soit sur environ 150 mètres. De plus, la puissance motrice serait fractionnée en deux groupes indépendants nettement séparés, celui de l'avant entraînant les lignes d'arbres latérales, celui de l'arrière les lignes d'arbres centrales, en sorte qu'une voie d'eau aboutissant à l'envahissement de deux ou même trois compartiments contigus ne puisse immobiliser les deux groupe ensemble et paralyser ainsi complètement le navire.
Le paquebot "Normandie" 1935-1941.
Source: Le site: cargos-paquebots.net
Navires représentés dans la Galerie de Gérard Né/Françoise Massard.

Enfin, pour donner à la clientèle le maximum de confort, trois grands principes étaient arrêtés, concernant les installations hôtelières:
-- Le navire disposerait d'un nombre de cabines particulièrement élevé.
-- De large zones d'interchangeabilité seraient créées entre les emménagements des deux classes de façon à obtenir la plus grande souplesse possible d'exploitation.
-- Les promenades et locaux publics seraient répartis de telle sorte que tout passager de l'une ou l'autre des deux classes ait, sans mélange possible, la jouissance des meilleurs espaces du bord, avec le sentiment, pour la classe inférieure, de n'être victime d'aucun privilège. Ainsi le navire disposerait-il notamment de deux ponts promenade superposés, particulier à chaque classe, le supérieur pour les 1re, l'inférieur pour la classe Touriste.
Ce programme a abouti au magnifique bateau que nous avons maintenant sous les yeux.
A 31 nœuds, pas une seule goutte de café dans la soucoupe. 
Source: Science et Vie n°532 de janvier 1962. 
Cabine de 1ère classe pour 2 passagers: élégance, confort...
Source: Science et Vie n°532 de janvier 1962.

Certes, sur le plan des formes et de la propulsion, celui-ci ne peut être comparé à ce que fut "Normandie" en son temps. Il ne bouleverse pas la technique d'une époque comme le fit naguère son prestigieux aîné. Mais par la pureté de ses lignes et par la somme de progrès qu'il reflète (large emploi des alliages légers d'aluminium, substitution générale de la soudure au rivetage, utilisation de stabilisateurs réduisant le roulis à environ 2°, etc.), il n'en constitue pas moins une remarquable réalisation.
Le  casse-croûte pour les ouvriers du "France".
Source: Science et Vie n°517 de octobre 1960.

"" Endurance, régularité, stabilité ""
En ce qui concerne la propulsion, le choix de l'appareil moteur et de l'appareil évaporatoire a été dicté par quatre impératifs : rendement et endurance d'un côté, légèreté et compacité de l'autre.
L'appareil moteur, ainsi que nous l'avons dit plus haut, représente une puissance de 160 000 CV environ ce qui, traduit en mégawatts, équivaut à la puissance d'une grande centrale électrique. Il est constitué par quatre groupes turbo-réducteurs Parsons à simple réduction, chaque groupe étant lui-même composé de quatre turbines actionnant une hélice de 5,80 mètres de diamètre et d'un poids de 27 tonnes par l'intermédiaire d'un réducteur à engrenages et une ligne d'arbres.
L'appareil évaporatoire, lui, se compose de huit gros générateurs au lieu de vingt-neuf sur "Normandie". Ces chaudières à tubes d'eau, construites par les Chantiers de l'Atlantique, débitent de la vapeur à 490° et sont timbrées à 71,500 kg par cm².
Au total, et ceci montre parfaitement les progrès énormes accomplis par l'industrie navale depuis un quart de siècle, non seulement l'appareil moteur et évaporatoire de "France" est beaucoup moins lourd que ne l'était celui de "Normandie" (8 000 tonnes contre 11 000), non seulement, à puissance égale, il permet d'atteindre une vitesse nettement supérieure (34 nœuds contre 31) mais encore il consomme, la forme de carène aidant, quelque 40% de mazout en moins.
Sur le plan technique, dit l'ingénieur en chef J.P. Ricard, directeur technique de la Compagnie, nous nous étions fixé, dans le cadre d'une exploitation impliquant vingt-trois rotations annuelles et sans parler naturellement du problème du confort, trois objectifs essentiels : régularité, endurance, économie. Je crois qu'ils ont été atteints. Il y a tout lieu de penser qu'avec sa longueur optimum, sa masse et la réserve de vitesse qu'on a pu lui donner, l'endurance de son appareil propulsif, "France" assurera son service avec une ponctualité d'horloge, hiver comme été.
Trois systèmes propulsif :
Les ingénieurs français pensent "nouveau"
Ces trois écorchés qui mettent à nu  l'ensemble moteur de "Normandie", "Queen Elizabeth" et "France", illustrent des conceptions mécaniques assez différentes.
"Normandie" était doté d'une transmission révolutionnaire qui permettait de raccourcir considérablement les arbres : les turbines actionnaient des générateurs électriques, et le courant ainsi produit alimentait, à l'arrière, les moteurs électriques qui entraînaient les hélices.
"Queen Elizabeth", c'est le classicisme : de l'avant à l'arrière, chaudières, turbines, réducteurs, arbres, hélices.
"France" utilise les mêmes principes, mais avec une disposition nouvelle : les appareils propulsifs des deux paires d'hélices sont entièrement séparés, ceux des hélices antérieures se trouvant portés vers l'avant, les autres vers l'arrière. C'est là un avantage pour la sécurité, car la disposition des compartiments étanches séparant les deux ensembles permet, en cas d'avarie par inondation de l'un, de conserver intact l'autre pour la marche. Il faut ajouter à cela que les progrès accomplis ont amélioré le rendement, tout en diminuant poids et encombrements.
  

"" Triomphe du métal et des plastiques ""

Et le confort ?
Eh bien, luxe hier encore sur "Normandie", il est, on peut le dire sans flatterie, monnaie courante sur le nouveau navire.
Il ne réside pas seulement dans la généralisation du conditionnement d'air ou des sanitaires individuels, dans l'insonorisation des cloisonnements, dans l'inépuisable réserve d'eau douce qu'alimentent quatre grands postes de distillation capables de produire 1 000 tonnes d'eau douce par 24 heures, dans la présence du téléphone dans toutes les cabines (celles de 1re sont reliées à la terre) et de la télévision dans les grands locaux, il est aussi, et surtout, dans la façon dont l'intérieur du bateau a été distribué. 
Nous avons dit que, pour des raisons de sécurité, l'appareil propulsif avait été coupé en deux groupes répartis l'un vers l'avant, l'autre vers l'arrière. En fait, ces deux groupes sont séparés par deux compartiments situés au centre même de la coque et réservés à divers services auxiliaires, aux stabilisateurs antiroulis, aux stations de stérilisation de l'eau, à des machines frigorifiques, etc.
C'est en partant de ces deux compartiments que le navire a été distribué. Tandis que les cabines de la classe Touriste étaient étagées dans les tranches avant et arrière au-dessus du pont de cloisonnement, les cabines de 1re étaient placées au centre, dans les entreponts les plus élevés et au-dessous du pont promenade réservé aux touristes. Quant aux grands locaux publics, ils étaient superposés sur la longueur combinée des deux tranches, milieu et arrière, ceux de la classe Touriste sur le pont promenade inférieur affecté à cette classe, ceux de 1re classe sur le pont promenade supérieur, les deux ensembles de locaux se mariant à l'avant dans une vaste salle de spectacle commune et s'épanouissant à l'arrière sur des plages étayées.
Voyons les cabines.
Au nombre de 961, dont 385 en 1re classe et 576 en classe Touriste, pour quelque 2040 passagers, elles font vraiment de "France", par leur nombre, le paquebot des couples.
Toutes ont au moins deux dénominateurs communs : la netteté et la clarté et souvent un troisième : la gaieté. Le bois, les matériaux et les tissus inflammables étant rigoureusement bannis, on pouvait craindre que l'emploi exclusif du métal pour le mobiliser et l'abus des plastiques n'aboutissent à quelque catastrophe. La patience des chimistes, l'habileté des fabricants de meubles et le talent des décorateurs ont eu heureusement raison de ce sombre pronostic. On est surpris devant la grâce de telle psyché ou l'élégance de telle commande... en aluminium. Les tons des revêtements muraux, des moquettes, des housses, sont chauds et de bon goût. On a fait, vif, aimable et accueillant. Pratique et fonctionnel aussi. Deux boutons placés sur une psyché permettent au passager d'écouter à son choix musique légère, musique classique et informations radiodiffusées. Dans la salle de bains ou la salle d'eau, on n'a pas oublié la boîte-tirelire, pour les lames de rasoir usagées de Monsieur, le fil de nylon escamotable sur lequel Madame fera sécher à l'occasion une paire de bas, le porte-serviettes "chaud", le décapsuleur fixé sur le chambranle de la porte, à hauteur raisonnable et le robinet d'eau glacée. 
Le "France" dans toute sa splendeur.  Source: Science et Vie n°532 de janvier 1962.

"" Le plus vaste cinéma de l'océan ""

Passons maintenant aux locaux publics.
L'aménagement des cabines, leur ameublement, leur éclairage, avaient pu être étudiés à loisir par les armateurs pendant que le navire était sur cale, dans un atelier des Chantiers spécialement édifié à cet effet. Mais les grands ensembles, qu'on ne pouvait naturellement reconstituer en studio, posaient un problème tout différent. Fallait-il les décorer dans un même style ? l'abstrait ?... le figuratif ?... Fallait-il, au contraire, les diversifier ? Devait-on choisir un maître d'oeuvre unique et s'en remettre totalement à lui ou faire appel au concours de plusieurs artistes, en mêlant gens d'avant-garde et traditionalistes, les plastiques, l'aluminium et le verre se chargeant de faire eux-mêmes l'unité ?...
C'est cette dernière solution, en apparence la plus facile, qui fut adoptée. Et finalement, devant les résultats obtenus, malgré des erreurs inévitables, elle s'est avérée la meilleure. D'aucuns trouveront peut-être que le navire n'est pas à l'image du nom prestigieux qu'il porte, en ce sens qu'il ne reflète ni le folklore de la terre de France, ni les principaux styles de sa longue histoire artistique. D'autres, en revanche, regretterons qu'il ne traduise pas de façon plus audacieuse les aspirations d'une civilisation partie à la conquête de l'espace sidéral et maîtresse de l'atome. Mais ceux qui savent à quels impératifs matériels et psychologiques se heurte déjà, en temps normal, l'aménagement d'un paquebot destiné à un trafic international, estimeront avec raison que ce qui a fait a été, dans l'ensemble, très bien fait.
On a vu nouveau, moderne, mais raisonnable, sans outrance. Et surtout, là encore, on a vu large.
Il n'y a pas un grand paquebot rapide sur l'Atlantique Nord qui possède deux boulevards vitrés aussi beaux que ceux de "France" avec ses deux ponts promenade superposés, longs, sur chaque bord, de quelque cent mètres (110 mètres celui réservé aux passagers de 1re classe) et large de cinq.
Il n'y a pas non plus de navire qui dispose d'une salle de spectacles aussi vaste, avec 664 fauteuils (la capacité du théâtre des Ambassadeurs ou du cinéma Colisée à Paris) répartis en deux étages : balcons pour les passagers de 1re classe, orchestre pour ceux de la classe Touriste. On peut y projeter tout aussi bien des films en cinémascope qu'en 70 mm. Mais on peut aussi y jouer Anouilh ou Molière puisqu'elle possède une scène de 60 m², deux loges et même un magasin d'accessoires.
Il n'y a pas davantage de paquebot qui dispose d'un service "restauration" aussi important et aussi parfaitement articulé avec une salle à manger de 1re classe couvrant plus de 700 m² et pouvant recevoir 416 convives, une salle à manger Touriste de 900 m² susceptible d’accueillir 630 passagers à son rez-de-chaussée et 200 à son premier étage et, entre ces deux salles, une cuisine géante, étalant sur plus de 1 200 m² les appareils les plus perfectionnés servis par les plus brillants ma^tres queux de la gastronimie française : fourneaux électriques, de 13 m^tres de long, tables chaudes électriques, avec bains-marie et rampes d'infrarouge, machines à laver la vaisselle de 7 mètres de long, à laver les verres, étal de boucher ( le seul meuble en bois du bord avec les pianos), grils au charbon de bois, etc...
Il n'y a pas davantage enfin de navire qui offre à ses passagers une plus belle vue sur l'Océan grâce à ses terrasses étagées sur l'arrière et auxquelles aboutissent le fumoir de 1re classe, pièce majestueuse, édifiée sur la hauteur de deux ponts et coiffée d'un dôme de 186 m², l'immense salon de la classe Touriste, capable de recevoir mille personnes à la fois, et enfin la piscine de la même classe, avec sa plage et ses installations sportives annexes.


"" Il faut toujours penser aux timides "" 
Mais à côté de ces monuments, "France" recèle un certain nombre de locaux beaucoup moins vastes : bars privés, salons de bridge, de musique, d'écriture, de lecture, où l'on s'est attaché essentiellement à créer une atmosphère de détente et d'intimité en pensant à ceux qui n'aiment pas à se mêler à la foule, aux solitaires et aussi, car ils sont nombreux, aux timides.
Dans le même esprit, on a construit sur le sundeck, entre les deux cheminées, un véritable patio, encadré de huit cabines où les passagers avides de repos peuvent vivre à l'écart complet du monde en se dorant au soleil ou en rêvant aux étoiles.
Enfin, si comme sur tous les paquebots modernes les enfants possèdent à bord du nouveau ship un univers bien à eux, avec sa nursery, sa salle à manger, son guignol et ses salles de jeux, les "grands" de 14 à 18 ans y ont, eux aussi, leur lieu de rendez-vous propre. C'est le Club des Jeunes, paradis inédit installé à bâbord avant sur le pont véranda où, entre deux parties de baby-foot et de billard électrique, l'on peut danser au son du juke-box en dégustant des ice-cream et des jus de fruit.
Quant aux sportifs, inutile d'en parler. Ils avaient, dès l'origine, deux piscines de 10 mètres sur 6 à leur disposition, toutes deux assorties d'installations complémentaires diverses : punching-ball, cheval d'arçon, barres, home-traîner, médecine ball, etc... A la réflexion, les armateurs, estimant que cela n'était pas suffisant, ont décidé de faire plus en édifiant in extremis sur l'arrière du sundeck, entre le stand de tir et le bowling, une salle de sport fermée, permettant notamment de jouer au squash.  
Une peinture sur le "France".   Collection personnel Claude Leyval. 


Tel apparaît, tel nous est apparu le "France".
Si l'on ajoute au panorama que nous venons d'en donner le sourire d'un grand magasin très parisien à cheval sur deux ponts, la discrète mais rassurante présence d'un hôpital couvrant 500 m² et prodigieusement équipé, avec salles de consultation, d'opération, de radiodiagnostic, de stérilisation et de réanimation, l'agitation sympathique d'une imprimerie tirant 2 000 quotidiens par jour, la précieuse sollicitude des stabilisateurs antiroulis dont l'effet bénéfique est considérable, et, par-dessus tout cela, l'empressement d'un service hôtelier exceptionnel, dont la valeur n'est plus à louer, nous aurons, je crois, fait très objectivement le tour d'une oeuvre nationale, représentant six ou sept années d'efforts et quelque 40 milliards d'anciens francs.
Nous avons connu tous les paquebots qui ont porté notre pavillon sur l'Atlantique Nord depuis quarante ans. Aucun, pas même "Normandie", dont le faste tapageur n'était pas toujours du meilleur goût, ne nous aura fait autant d'impression que le nouveau "France".
Il y a, dans l’architecture de ce navire, une harmonie, un équilibre, un sens et un respect de la mesure qui font honneur à ceux qui l'ont pensé et réalisé.

"" Cinq hommes et des milliers d'autres ""
On dit souvent, avec raison, qu'un grand paquebot est le fruit de tout un peuple. Mais, à l'origine, il y a toujours un homme ou une poignée d'hommes. Dans le cas de "France", ils auront d'abord été trois : MM. Jean-Paul Ricard, Antoine Barthélémy et Alfred Lafont.
Jean-Paul Ricard 59 ans, est l'architecte naval qui a "pensé" le navire. Ingénieur en chef de la Compagnie au début des travaux et aujourd'hui Directeur technique, c'est un ancien Quatz'Arts, ingénieur civil du Génie maritime. On lui déjà le remarquable paquebot "Napoléon", affecté à la ligne de Corse. 
Le paquebot "Napoléon" 1961.   Collection personnel Claude Leyval.


Antoine Barthélémy, 64 ans, est le chef d'orchestre qui, en sa qualité de Directeur technique de la Transat (aujourd'hui directeur honoraire) a coordonné l'ensemble des études et dirigé de Paris sa construction. Il est ingénieur général du Génie maritime.
Alfred Lafont enfin, 59 ans, mérite pleinement le titre de "père du navire". C'est lui, en effet, qui, à Saint-Nazaire, a dirigé l'exécution des travaux et en a assumé la responsabilité. Camarade de promotion de Ricard à l'Ecole des Arts et Métiers d'Aix-en-Provence, il est entré avec lui et sur ses instances, car il rêvait personnellement de construire des centrales ou des usines, à l'Ecole du Génie maritime. A ces trois ingénieurs de classe exceptionnelle, il faut ajouter, du côté de l'armement, deux grands patrons. MM. Jean-Marie et Edmond Lanier.
Ingénieur général du Génie maritime, appelé à la présidence de la Compagnie Générale Transatlantique en mai 1939, remplacé à ce poste par M. Anduze Faris en mars 1961, et, depuis lors, président d'honneur, le premier à été avocat infatigable qui, pendant des années, avec une compétence et un talent indiscutable a plaidé devant des instances parfois réservées ou hostiles, le plus souvent mal informées, la cause du navire.
Le second, Directeur général de la Compagnie, esprit méthodique et rigoureux, a failli payer de sa santé son acharnement à la tâche. Il a été à la fois la clef de voûte et le moteur de l'énorme entreprise. Pour que "France" soit un modèle de confort, il est allé étudier lui-même les installations et le fonctionnement des plus grands hôtels du monde. C'est à lui que l'on doit, notamment, le patio du sundeck. 
Derrière ces hommes et sous leurs directives, des milliers d'autres, dans les forges de la Loire, les fonderies du Nord, les aciéries de Lorraine, les ateliers de précision de Grenoble, les laboratoires et bureaux d'études de la région parisienne, les câbleries de Lyon, ont œuvré avec art et patience, apportant chacun leur pierre à l'édifice édifié, face à l'Océan, par les rudes mais tenaces et habiles fils de Saint-Nazaire et de la Brière.   
Une aciérie de Lorraine.   Collection personnel.


L'essentiel, maintenant, est accompli.
Et c'est la mer désormais et plus encore à notre civilisation qu'il appartient de sceller le destin de "France". Celle-ci, dans sa soif de changement, dans son désir d'aller toujours plus vite, est-elle encore en mesure de faire confiance au navire ?.
En octobre dernier, la doyenne des compagnies transatlantiques, la vieille Cunard, qui s'apprêtait à mettre sur câle un grand paquebot de 75 000 tonneaux de jauge, pour remplacer son "Queen Mary", entré en service en 1936, a annoncé brusquement qu'en raison de la concurrence aérienne grandissante sur l'Atlantique Nord, elle renonçait "pour le moment" à ce projet et renvoyait toute décision au deuxième semestre 1962.
Les Anglais eux-mêmes ne croiraient-ils plus au paquebot ?.
Il n'est pas douteux que depuis quelques années le trafic maritime transatlantique de passagers va diminuant alors que le trafic aérien, lui, ne cesse de croître.
Le paquebot "Queen  Mary" 1934-1964.
Source: Le site: cargos-paquebots.net
Navires représentés dans la Galeries de Gérard Né/Françoise Massard.

Durant l'année 1952, le navire avait transporté sur l'Atlantique Nord 815 000 passagers et l'avion 450 000. En 1957, l'avion avait rejoint le navire et les deux moyens se trouvaient à égalité, avec un million de passagers chacun.
Mais dès l'année suivante, stimulé par la création de la classe économique et ses progrès techniques constants, l'avion passait nettement en tête et le trafic maritime, cessant de progresser comme il l'avait fait depuis la fin des hostilités, reculait.
En 1960, 1 900 000 passagers transatlantiques ont emprunté la voie aérienne, 860 000 seulement la voie maritime. Pour 1961, la part du navire, encore plus faible, se situerait aux alentours de 800 000 passagers.
Faut-il déduire de ces chiffres que l'avenir de "France" s'annonce assez sombre ?.

"" Jeunesse et rapidité ""
A notre avis, le trafic maritime transatlantique connaîtra, dans les trois ou cinq années qui viennent, de nouveaux fléchissement.
Mais nous pensons qu'il finira par se stabiliser autour d'un certain chiffre, 500 000 passagers annuels peut-être, contre lequel l'avion ne pourra plus rien. Si cette situation risque de coûter cher aux navires de tonnage moyen et relativement lents, je crois qu'elle doit permettre aux bateaux rapides comme "France", "United States" et les "Queen" de la Cunard (ces derniers sont encore très valables) de remplir sans trop de mal leur contrat. 
Un dessin sur le S.S. United States.   Collection personnel.


En ce concerne plus particulièrement notre nouveau ship, on peut admettre que sa jeunesse lui vaudra de nombreuses sympathies et de substantielles préférences. L'accord conclu par la Transat avec les United States Lines pour faire alterner ses départs avec ceux du paquebots "United States" lui sera en outre profitable. Le fait enfin que la Cunard ait renoncé, même provisoirement, à donner un successeur au "Queen Mary", le libère d'une concurrence éventuelle redoutable. Il a assez d'atouts sous ses deux cheminées pour faire le reste.

"" Des essais très brillants "" 
Les essais de "France" ont été plus que satisfaisants. Extrêmement maniable, le paquebot s'est révélé, en dépit de sa longueur, un parfait manœuvrier. Sur le plan de la propulsion, les résultats ont dépassé les espérances les plus optimistes. Avec 146 000 ch, soit les 9/10 de sa puissance maximum (160 000 ch), le navire a atteint et soutenu aisément 34,13 nœuds.
En ce qui concerne la consommation, les armateurs ont eu une heureuse surprise. Ils avaient escompté que le navire consommerait 40% de moins de mazout que "Normandie". Il s'est avéré plus économique encore en absorbant, en réalité, la moitié moins de combustible que son illustre devancier.
Cap sur New York, le baptême pour "France". Source: Science et Vie n°532.

"" Quand le "Norway" alias "France" revient au Havre ""  
Des milliers de personnes et une haie de bateaux-pompes ont fait un accueil nostalgique à leur paquebot "France", rebaptisé "Norway", qui n'avait pas franchi la passe su port normand depuis son exil en Norvège, en 1979. L'ancien fleuron de la Compagnie générale transatlantique, qui transportait 2 200 croisiéristes en provenance de New York, est reparti pour Southampton après une escale de dix heures. C'était en septembre 1996.     Collection Claude Leyval.
   L'édition du Havre du 10/09/1996 pour le retour de "France". Collection Claude Leyval.

"" La réalisation de Claude Leyval ""

La maquette navigante du "France"


Claude est une autre de ses oeuvres
Le Baltimore Clipper "Harvey"
Claude se décrivait comme suit:  Dès mon enfance, les récits de voyages de mon père ayant fait son service militaire dans la marine m'ont fortement attiré vers tout ce qui touche à la mer, synonyme d'évasion.
Au cours de vacances et séjours j'ai pu admirer dans de différents ports de magnifiques bateaux de guerre, paquebots et voiliers qui font beaucoup rêver et voyager en pensées dans le monde entier.
A défaut de pouvoir m'offrir un superbe voilier de croisière ou un paquebot, mon idée a été de construire des maquettes dès que je disposerai d'assez de temps libre.
C'est arrivé et je me suis mis à la tâche fixée.
Pour commencer dans le modéliste, je suis passé par la phase "boîte de construction". Cela ne veut pas dire du tout que le bateau est fourni tout prêt et qu'il ne reste que l'assemblage. Loin de là.
La difficulté première est dans le choix du bateau. Parmi les différents modèles proposés dans le marché, il faut absolument retenir celui qui plaît, pour lequel on a le coup de foudre et que l'on se sent capable de mener sa construction à bon terme.
Pour débuter j'ai donc l'option "maquette statique" et mon choix s'est porté sur un magnifique clipper américain le "Harvey".

"" La construction du paquebot "France" ""
Le "France",ancien joyau de la flotte de croisière a demandé à Claude, un habitant de (Jarny 54), 4 ans et demi de travail minutieux, soit 3500 heures. Claude s'est inspiré des plans de l'armateur français de la compagnie générale transatlantique (CGT).
Ce navire aux 1200 hublots ne pèse pas moins de 7kg500. Il est propulsé par quatre moteurs électriques (1 par arbre), il a une vitesse de trois nœuds, une échelle du 1/200 pour une longueur de 1m58 et une largeur de 0m17.
Je vous laisse découvrir toute une série de photos et coupures de presse, ayant appartenu à Claude.   
 Le début de la construction, il y a Gérard, Thierry, moi accroupit, Stéphane et Claude, cela se passait en mars 1994. 
En novembre 1994, la maquette fait une première dans une exposition.
Une belle nappe blanche pour la maquette du "France".
En mars 1997, "France" faisait escale à Jarny 54 pour une bourse d'échange.

En septembre 1997, Claude devient le clou de l'exposition à Wassy 52.


En 1998, il devient la grosse cote des modèles réduits lors d'une petite exposition dans un village à Hannonville-Suzémont 54, que de bon souvenir nous qui avons vécu cette journée, Claude était toujours pour la partie de rigolade.

En avril 2002 à Sarrebourg 57, il ne devait pas faire chaud dans cette salle, à voir Claude et le public, il nous montre d'autres bateaux. 
En novembre 2002 Claude montre l'intérieur de "France" le suspens. 

Plan d'eau d'Orconte à côté de St Dizier 52.

Le "France" construit par un breton.



                                                          Claude/Jean-Marie.

















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