L'avion expérimental Dryden -1 (AD-1) de la NASA.

 




"" Le projet Blohm und Voss P-202 a volé ""



Historique : La revue Aviation Magazine International n°664 d'août 1975, aux éditions OJD Paris, dans la rubrique : Projets, Etudes et Développements.




"" Etude de l'avion à aile/ciseau de la NASA ""

Depuis deux ans d'études extrêmement sérieuses de la part de la NASA, et notamment au centre AMES de Moffet Field, en Californie. Ces études apparemment curieuses ne sont, toutefois pas les premières du genre. Dès 1944, les aérodynamiciens allemands avaient découvert que la flèche du bord d'attaque d'une aile permettait de reculer l'apparition des ondes de choc.

Celles-ci naissent dès que, sur l'extrados, dans l'air accéléré en cet endroit par la circulation, la vitesse sonique locale est atteinte. Souvenons-nous qu'après la dernière guerre, la même constatation de régime sonique local avait été obtenue avec un bimoteur Glenn Martin "Baltimore" que l'on avait gréé d'une excroissance dorsale provoquant, en piqué, une onde sonique alors que l'appareil lui-même était bien en-deçà de Mach 0,75.

Lorsque ce phénomène se produit, non plus localement mais sur un avion entier, la traînée s'accroît de l'énergie perdue dans la compression au choc sonique.

D'autre part, lorsqu'il y a ondes de choc locales -- cas des avions dits subsoniques venant se "frotter" contre la zone transonique, soit à partir de Mach 0,95 -- ces ondes ne sont pas facilement stabilisées. Il y a donc des vibrations plus ou moins régulières, avec possibilité ou risque de couplage induisant des déformations de l'aile et, partant, des flottements ("flutter") complexes.

Ces constatations firent que l'on assista, en Allemagne, à une pléthore de projets, tous très en avance sur l'étatd'avancement des réacteurs de l'époque, source de puissance nécessaire, si bien que nombre de projets nouveaux restèrent dans les cartons des bureaux d'études. Depuis, fort peu de progrès nouveaux ont été enregistrés, si l'on excepte le travail patient du calcul de l'écoulement à trois dimensions autour d'uns aile, avec retouche des formes jusqu'à l'obtention d'un résultat valable.

Ce travail a été rendu possible, à partir de 1965, par la disposition d'ordinateurs, d'où des ailes supercritiques apparues sur tous les grands projets, avant même que le terme ne soit répandu (Boeing 707, Douglas DC-8, puis Airbus et "Mercure", (par exemple).

Parmi les projets allemands de 1944, celui de Blohm und Voss était le plus révolutionnaire. Pour concilier la manœuvrabilité à basse vitesse et l'obtention d'une vitesse subsonique élevée, une voilure droite à grand allongement était simplement articulée selon un axe vertical lui permettant d'afficher une flèche de 35°, l'aile pivotant ainsi d'un seul tenant, soit avec une flèche positive à gauche et négative à droite. Les essais en soufflerie montrèrent que l'on pouvait redouter de graves problèmes quant au centrage aux qualités de vol.

L'idée ne fut pas retenue, non seulement des dirigeants allemands, mais aussi des experts alliés qui en firent la découverte, dès 1945.  

L'avion de recherche à aile en ciseaux Ames-Dryden AD-1 a testé une aile qui pouvait pivoter d'avant en arrière pour former des angles obliques jusqu'à 60 degrés. Les tests ont révélé que l'aile en ciseaux diminuait la traînée aérodynamique, permettant des vitesses plus élevées et une plus longue portée. Le concept n'était pas nouveau. Dr.Vogt a conçu le BV P-202, avec une aile en ciseaux similaire qui pouvait pivoter de 35 degrés.

Un dessin d'arrangement général du projet de chasseur à aile oblique variable Blohm und Voss P-202 en temps de guerre.

Source des photos : Jet Planes of the Third Reich, volume 1, aux éditions Monogram Publications 1998.


Cette idée a été reprise, trente ans après, par une équipe de la NASA comptant notamment le Dr RT Jones, senior scientist, qui révéla quelques-unes de ces idées à nos collaborateurs. Selon lui, l'aile la meilleure, jusqu'à Mach 0 8, est à grand allongement, ce qui n'est pas une nouveauté, mais une confirmation de ce que beaucoup savent déjà, mais n'appliquent pas forcément. Au-delà, la flèche devient nécessaire. Si l'on étudie le comportement d'une aile droite, d'un seul tenant, présentant cette flèche nécessaire, on obtient une traînée supersonique égale à 1, dans la comparaison considérée. Avec une aile classique en flèche, de part et d'autre du fuselage, on arrive à 4, et non pas à 2, en raison des interférences inévitables. Donc, si l'aile d'un avion entier est droite, mais en flèche, on retrouve le chiffre 1, très intéressant quant à la traînée transonique.

On sait que, sur les avions commerciaux actuels et à grande autonomie, l'aile résulte d'un compromis difficile à établir entre divers critères. L'aéro-élasticité a obligé à suspendre les réacteurs sous l'aile et en avant del'axe de torsion de celle-ci, voire à les écarter de façon à obtenir le résultat recherché, mais au détriment de la "VMC" (Vitesse minimale de contrôle) et, bien sûr, de la traînée. Vient, ensuite, la traînée transonique ou subsonique élevée, qui exige une voilure en flèche et des profils minces, mauvais porteurs, un tel ensemble posant des problèmes de torsion et de "fouettement" sous les rafales. En troisième lieu, la stabilité demande de grande dérives, évitant difficilement les oscillations couplées roulis-lacet (dutch roll). Pour la voilure, les ailerons devront être rapprochés de l'axe de l'avion aux grandes vitesses et éloignés, accompagnés de décrochoirs, pour les basses vitesses, d'où deux types d'ailerons pour un même avion. 

Un principe simple et une réalisation mécanique encore plus simple. Ce schéma résume le principe de l'aile/ciseau : une voilure à grand allongement pivote sur un axe situé dans son plan de symétrie de façon à présenter une flèche positive d'un côté et négative de l'autre.

Ce diagramme montre pour une voilure elliptique et trois profils différents, l'évolution du rapport portance/traînée (en ordonnée) en fonction de la vitesse (en abscisse) exprimée en Mach et ceci pour diverses valeurs de la flèche. Ces courbes résument l'intérêt de cette formule.


Un grand nombre de maquettes ont été essayées à AMES avec dufférentes formes de voilures et différents profils. Cette expérimentation massive prouve l'intérêt que la NASA attache à ces recherches. Les deux photos montrent deux positions extrêmes de la voilure.
Source des deux photos : La revue Aviation Magazine International n°664 d'août 1775. 


Reste l'autonomie, qui est fonction de la finesse seule.
Rappelons, à ce sujet, l'inévitable loi de Breguet, dans laquelle l'autonomie est proportionnelle au rapport de la masse totale à la masse de carburant, multiplié par l'inverse de la finesse et l'inverse de la consommation spécifique des réacteurs. Or, la finesse n'est pas le fait d'une voilure en flèche de faible allongement.
Si, donc on reprend l'idée de Blohm und Voss, soit une aile elliptique apportant une meilleure répartition de la portance en envergure, aile montée sur un pivot central, on peut obtenir un avion qui soit intéressant aussi bien à basse vitesse (allongement et aile droite) qu'en régime subsonique (flèche).
Reste les points de stabilité et de manœuvrabilité. Le Dr RT Jones a donc fait réaliser par la NASA des maquettes de soufflerie à un et deux fuselages, plus un modèle monofusalage de vol libre radio-commandé. Ces travaux semblent montrer qu'une réalisation est possible. Suivant les travaux de la NASA, Boeing a même essayé une maquette d'avion de transport dont l'aile elliptique d'allongement 10 peut être orienté selon une flèche de 60°.
En évolutions, on peut supposer que le braquage différentiel des ailerons introduit un couple de tangage lié pouvant gêner le pilotage. Le modèle piloté par radio a montré que cette gène était acceptable. Par contre, une "boucle" se fait, normalement au bord d'attaque, dans un plan incliné. Les rapports publiés jusqu'ici ne fournisseur pas les courbes normales de stabilité autour des trois axes, ce qui oblige à se reporter aux affirmations du responsable de l'étude. En particulier, il serait intéressant de savoir comment se comporte l'aile, pivoté en flèche, quant aux stabilités transversales sous facteur de charge.
On ne peut donc échapper, raisonnablement, à la nécessité de construire un prototype probatoire capable d'aller explorer les qualités de vol jusqu'à Mach 1.    


Cette maquette de soufflerie préfigure de façon précise ce que pourrait être dans l'optique des chercheurs de la NASA un appareil commercial intercontinental à voilure ciseau. Pesant quelque 210 tonnes au décollage pourrait transporter environ 190 passagers sur des étapes de l'ordre de 6 000 km à la vitesse de croisière de Mach 1,2 ou plus. Il ne s'agit que de l'une des formules envisagées, d'autres avec des dispositions plus conventionnelles des réacteurs l'ont été.
Source des deux photos : La revue Aviation Magazine International n°664, d'août 1975.


Un monoréacteur de trois tonnes de masse totale devrait faire l'affaire. Il reviendrait moins cher que les innombrables essais au tunnel et sur simulateur nécessaires à la mise au point de l'étude réelle des évolutions et des états transitoires. Quelques avants-projets ont été avancés d(ores-et-déjà et avant la fin des études. Parmi ceux-ci, notons un appareil capable de M. 1,5 au maximum, et une autonomie de 5 560 km, ce qui est déjà insuffisant pour en faire un avion transatlantique. Par contre, d'autres spéculations font état de projets devant assurer la liaison New York - Honolulu d'une seule traite, avec survol du territoire américain à M. 1,15, puis du Pacifique à M. 1,5, ce qui lui permettrait de battre d'une heire (5 h 45' contre 6 h 45') l'actuel transport bisonique, dont nous laissons le soin de trouver le nom, obligé de survoler les USA à M. 0,9, puis de faire une escale technique de 20 minutes à San Francisco. Il reste à savoir la réelle différence existant entre un avion actuellement présent sur diverses lignes lors de vols d'endurance et un projet qui réclamera encore, s(il aboutit, une bonne dizaine d'années de travaux. Peut-être, s'agit-il de la seconde génération de transport supersonique. Si c'était le cas, de telles investigations techniques entreraient parfaitement dans les possibilités de notre Onera, cette NASA française que rien ne doit laisser indifférente.

"" Caractéristiques du Dryden-1 (AD-1) ""
-- L'angle de l'aile pouvait aller jusqu'à 60°.
-- Il mesurait 12 m de long et 2 m de haut.
-- L'envergure de l'aile était de 10 m.
-- Il était bridé à 270 km/h et propulsé par deux réacteur Microturbo TRS-18 (aujourd'hui Safran).
-- Avion expérimental qui ne verra jamais le jour.
-- La configuration géométrique de l'avion a été conçue par Boeing. Son premier vol a eu lieu le 21 décembre 1978. Il a effectué 79 vols pendant le programme de recherche.
-- Le seul exemplaire existant est aujourd'hui exposé au Musée aéronautique Hiller de San Carlos (Californie).   

Une belle vue aérienne de l'aile pivotante AD-1 de la NASA en vol. Début des années 1980.

Source : Secret Aircraft Designs of the Third Reich, aux éditions A Schiffer 1998.



Jean - Marie


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