L'avion-fusée Heinkel He-176.







"" Der erste "Schluck" von Heinkel ""

Marque Jach au 1/72.  Référence : 72102.







Historique : La revue Aviation Magazine International n°912 de février 1986, par Herbert Léonard.




Réalisation M. Alain BERTINI du club maquettiste de Labry (54) France.





Historique : La Luftwaffe, clandestine de 1933 à 1935, s'était équipée d'avions issus de programmes sans grande envergure mais susceptibles d'être construits immédiatement. Avec le rétablissement en 1936 d'une véritable politique de réarmement, les cartons à dessins s'ouvrirent dans les bureaux pour donner naissance à une multitude de projets révolutionnaires, dont le Heinkel He-176, avion-fusée expérimental préfigurant les futurs intercepteurs à réaction allemands de la Seconde Guerre mondiale.

Ernst Heinkel était de ces pionniers de l'aviation ouverts à toutes les suggestions et idées nouvelles. Sa persévérance et son obstination lui valurent une vie professionnelle parfois tumultueuse, mais jamais dénuée du souci majeur de construire un avion toujours plus rapide et plus perfectionné.Aussi, lorsqu'en novembre 1935 il fait la connaissance d'un jeune ingénieur du nom de Werner von Braun, ne reste-t-il pas sourd aux idées qui lui sont alors soumises.
Presque inconnu à cette époque, von Braun était passionné par la question des fusées. Depuis le lycée il suivait avec assiduité tout ce qui se rapportait à ce domaine. Il s'était intéressé de près aux essais de Fritz Stamer avec son planeur propulsé (11 juin 1928), de Max Valier avec son automobile munie d'une fusée ("Rakete 1" d'Opel-Sander, testée le 30 septembre 1929 à Francfort), ou de von Opel et de son planeur équipé d'une véritable batterie à poudre.
Von Braun travaillait lui-même à la mise au point d'un propulseur fonctionnant à l'alcool pur et à l'oxygène liquide, désigné A.1, mais il se heurtait à l'indifférence générale de l'armée et du ministère de l'Air. Il provoqua l'intérêt de Heinkel qui lui attribua aussitôt une cellule de He-112 pour les essais statiques. De plus, une équipe d'études, dirigée par Walter Künzel, un des meilleurs ingénieurs Heinkel, vint grossir le "staff" von Braun. Par la suite ce dernier obtint la collaboration du pilote Erich Warsitz, venu tout droit de Rechlin, orchestrer les futurs essais en vol. 

Avion-fusée expérimental mono-réacteur à aile médiane cantilever (vol inaugural le 26/06/1939). A partir de 1935, Wernher von Braun s'efforça de rendre son poteur-fusée apte à voler. Pour le tester, il utilisa tout d'abord le fuselage de l'He-112 puis développa l'He-176, véritable avion-fusée. Le désintérêt du RLM entraîna l'abandon du projet en septembre 1939.
Source: 1000 avions Histoire. Modèles. et Technique aux éditons Terres Bleues 2007. 

Le planeur propulsé par fusée construit par Lippisch, sponsorisé par Opel en vol, fin des années 1920.
Source: Secret Aircraft of the Third Reich aux éditions Schiffer Military 1998.



Début février 1936, collaborateurs de von Braun et techniciens de Heinkel, au total vingt-six personnes, se retrouvèrent dans le plus grand secret sur le polygone de tirs de Kummersdorf pour procéder à la première mise à feu du propulseur imaginé par von Braun. Équipée en conséquence (deux réservoirs de comburants placés avant et après le poste de pilotage, le moteur-fusée installé dans la queue) la cellule du He-112 avait été solidement ancrée au sol. Malgré la méconnaissance totale du comportement du moteur-fusée et des risques qu'ils encouraient, Erich Warsitz et von Braun étaient restés debout sur les moignons d'aile, de part et d'autre de l'habitacle, afin d'examiner les réactions du fuselage pendant l'essai. Celui-ci fut édifiant. Le mélange et l'inflammation des comburants provoquèrent une explosion si forte que les plaques d'acier qui protégeait le Heinkel et les autres s'envolèrent. La poussée fut estimée à une tonne pendant une trentaine de secondes.
Par la suite, plusieurs autres essais similaires furent menés à Kummersdorf, qui entraînèrent la destruction de cette première cellule (Heinkel He-112 V1), puis d'une seconde (V3). En mars 1937, un troisième Heinkel He-112 (V5), complet celui-là fut préparé sur le terrain de Neuhardenburg pour le premier envol. Malheureusement, le test se termina avant même d'avoir commencé, une explosion survenant alors que Erich Warsitz préparait l'appareil au décollage. Il fut éjecté, mais s'en tira sans grand mal. Le Heinkel He-112 (V8) fut cédé par Heinkel et préparé à Neuhardenburg, toujours dans le plus grand des secrets, à l'écart des indiscrétions, pour tenter la grande aventure.
Fin avril 1937, Warsitz prit place à bord et décolla sur le moteur conventionnelle DB-603A. Il n'alluma le moteur-fusée que lorsqu'il eut atteint la vitesse de 300 km/h et, en une seconde, celle-ci passa à 400 km/h (vitesse maximale atteinte pendant le vol : 458 km/h). Le bond gêna Erich Warsitz de même que les gaz, l'énorme chaleur et la fumée envahirent l'habitacle. Affolé, il voulut s'éjecter, mais la faible altitude le lui interdit. Dès lors, il lui fallait atterrir, ce qu'il fit sans avoir le temps de sortir le train d'atterrissage. Le Heinkel 112 se "vomit" sur la piste et un début d'incendie se déclara, vite maîtrisé par les pompiers.
Après examen, il s'avéra que les ventilateurs installés à bord avaient mal fonctionné, aspirant dans la cabine les émanations des échappements de la tuyère.
Avec d'autres, ces défectuosités furent résolues et le He-112 subit les réparations nécessaires. Après quelques essais en vol sans problèmes particuliers, dont plusieurs décollages avec les deux types de moteurs en action, Erich Warsitz décolla le He-112 spécial à l'été 1937 sans le secours du moteur conventionnel. Le vol se déroula parfatement, démontrant ainsi la viabilité du vol sans hélice et ouvrant une ère nouvelle dans l'évolution de l'aviation.  


Le croquis et la photo représente le Henkel He-112 V3, Werk-Nr.1292 (D-IDMO) à Neuhardenbourg en avril 1937 lors des essais.

Le vol réussi de Erich Warsitz sur le Heinkel He-112 spécial à l'été 1937 sans le secours du moteur conventionnel.
Source des trois photos: Luftwaffe profile series n°17 aux éditions A. Schiffer Publishing 2001.


"" Les moteurs-fusées Walter ""
Indépendamment de von Braun, un ingénieur de Marine Hellmuth Walter améliorait à la même époque un système de propulsion analogue, désigné TO.1 et étudié pour équiper les sous-marins et leur permettre de se passer de l'oxygène de l'air, mais brûlant de l'eau oxygénée et du méthanol. Appuyé par le RLM, Walter put créer "Walter Werke K.G." à Kiel et tester ses fusées avec l'assentiment de l' "Entwichlungsamt (Office de développement du RLM) et de son département "Sondertriebwerke) (Système de propulsion spéciaux).
Ainsi, deux fusées TP.1 furent montées expérimentalement sur un Heinkel He-111 intentionnellement surchargé. Le bombardier décolla sans incident grâce aux 600 kg de poussée d'appoint fournis par ces fusées pendant les 30 secondes de combustion.
Alors que les mêmes tests étaient menés avec des fusées brûlant de l'oxygène liquide, les TP.1 démontrèrent une fiabilité et une sécurité d'emploi auquel même le système von Braun ne pouvait encore prétendre.
Walter conçut ensuite un moteur-fusée qui, grâce à une pompe, permettait de réguler le flux d'un des comburants et de faire varier ainsi la poussée. Désigné TP.2, il développait une poussée maximale de 950 kg pendant 30 secondes. Il souffrit de quelques problèmes de jeunesse mais fut installé sur un He-112 qui vola à Peenemünde à l'automne 1938.

"" Le He-176 un oiseau révolutionnaire "" 
Un an auparavant, Ernst Heinkel avait réuni à Marienehe von Braun, Warsitz, Künzel et les principaux techniciens concernés par les essais des He-112 spéciaux.
La réunion avait pour but de définir la conception d'un véritable avion-fusée, et l'ambition se situait dans un contexte de recherche pure, avec comme objectif le franchissement de la "barrière magique des 1 000 km/h.
Désigné He-176, le projet fut placé sous la direction de Hans Regner, avec la participation des prestigieux frères Günther et de Heinrich Hertel (von Braun, dont les rapports avaient toujours été tendus avec les autorités allemandes, était rentré en grâce et orientait ses travaux vers les essais fusée proprement dots en prenant possession de nouvelles fonctions à Peenemünde).
Le programme démarra fin 1937. Le projet lui-même était de la taille la plus réduite possible. Le fuselage en forme de cigare mesurait 5 m de long, pour un maître-couple de 0,80 m maximum. En fait, la cellule était littéralement dessinée autour de la morphologie de Warsitz dont le mètre quatre-vingt-trois ne facilitait pourtant pas la tâche.
La partie arrière recevait les deux réservoirs de comburants (T-Stoff et Z-Stoff, alias péroxyde d'hydrogène et permanganate de sodium ou de calcium), le moteur-fusée Walter HWK RI-203 (désignation officielle du TP.2) avec son variateur de poussée (de 45 à 500 kgp) et la tuyère d'éjection des gaz, débouchant sous des empennages trapézoïdaux. Le choix définitif du RI-203 fut dicté autant par son avance technologique et sa sécurité d'emploi par rapport au A.1 de von Braun que par les nouvelles attributions de ce dernier. 


Impression d'artiste ou photographie extrêmement retouchée ? Ce document représente très certainement le prototype qui a réellement été soumis aux essais et qui une excellente démonstration en vol devant Hitler.
Source: German Jet Genesis par David Masters aux éditions Jane's Publishing 1982.


Le train d'atterrissage du He-176 se rétractait dans le fuselagen limitant sévèrement son empattement. Une roulette caudale soutenait la queue. Implantée basse, la voilure elliptique de 4 m d'envergure et de 5 m² de surface avait un profil symétrique. Volets et ailerons étaient de conception conventionnelle. Les saumons d'aile étaient prévus avec des balancines de sécurité. La seule caractéristique qui donnait immédiatement une indication visuelle sur le contexte de recherche pure dans lequel Heinkel comptait maintenir le prototype (si l'on excepte évidemment l'absence d'hélice) était le superbe profilage de la partie avant du fuselage formant l'habitacle.
Une canopée moulée d'une pièce en Plexiglas la recouvrait sans provoquer le moindre décrochement. La pointe nasale était vitrée et le pilote prenait place dans un siège incliné, où il se retrouvait à demi-allongé, les jambes presque étendues. Une autre caractéristique faisait figure d'avant-garde : le système d'éjection du pilote.
L'entière partie du fuselage formant l'habitacle était détachable en vol au moyen d'un système d'air comprimé commandé par le pilote. Sa chute était freinée par un parachute et lorsque la vitesse était suffisament ralentie, le pilote larguait la verrière et s'éjectait lui-même en parachute. Le seul "hic" de cette procédure, testée par la suite depuis un Heinkel He-111, était la grande altitude nécessaire au largage en bloc de la partie avant : 6 000 m.   


Dessin représentant une vue de profil sur la position du pilote dans le poste de pilotage. Il est vrai que Erich Warsitz ne devait pas tellement à l'aise lors de ce vol inaugural.  
Source: German Jets in W.W.II aux éditions Model ART Co., Ltd 1990.


"" Du projet à la réalité ""
Le He-176 tel qu'il est sortit des ateliers Heinkel de Marienehe à la fin de l'été 1938 ne ressemblait pas vraiment au projet décrit ci-dessus. La plupart des articles qui sont (ou ont été) consacrés au He-176 s'accompagnent de (ou des) impression(s) d'artistes très fidèles au projet diffusées par la propagande allemande. La réalité fut tout autre et, si le prototype possédait bien un fuselage en forme de cigare avec maître-couple très réduit, son habitacle était à ciel ouvert et comportait un petit pare-brise (la plus grande partie du haut du corps de Erich Warsitz dépassait ainsi du contour supérieur du fuselage).
La voilure, effectivement elliptique, était médiane et arborait les balancines prévues.Le train n'était plus classique rétractable, mais tricycle fixe, avec roue nasale carénée et étambot de sécurité sous la queue ù débouchait la tuyère du moteur-fusée RI-203. Les empennages étaient elliptiques, la profondeur venait se ficher à mi-hauteur de la dérive.
Une plage de l'île d'Usedom accueillit le He-176 et ses servants à l'été 1938 pour les essais en vol. Dans un premier temps, l'appareil fut tracté par une grosse Mercedès de 7,6 l de cylindrée, mais la petitesse de sa voilure interdit tout décollage. Finalement,, celle-ci fut agrandie et un premier saut de puce fut accomplit en mars 1939 avec le RI-203 en action (temps de combustion limité).
Le 20 juin, Warsitz effectua le vol historique du premier avion-fusée au monde. Le temps de combustion du propulseur fut de 50 secondes, puis l'atterrissage effectué en douceur sans le moindre incident. Pendant ce vol, la vitesse ne dépassa pas toutefois 273 km/h.
Le lendemain, une démonstration officielle organisée et réunit les hauts dignitaires du RLM. Erhard Milch et Ernst Udet en étaient et, malgré un vol sans problème, l'impression laissée fut à l'encontre des espoir de Heinkel. Udet déclara qu'il s'agissait là d'un simple jouet et qu'il ne comprenait pas que l'on pût dépenser autant de temps et d'argent pour si peu de résultat. Udet interdit de vol le He-176, mais Heinkel protesta si vigoureusement qu'il revint sus sa décision quelques jours plus tard.
Le 3 juillet 1939, profitant d'une exposition d'avions nouveaux à Rechlin et de la présence d'Hitler, Heinkel fit décoller le prototype depuis le terrain voisin de Roggentheim. Erich Warsitz décolla, monta à 760 m, coupa le moteur-fusée, plana jusqu'à atterrissage, puis ralluma le RI-203 et refit un dei-tour du terrain. Hitler, qui assitait à la démonstration de même que Goering et von Keitel, ne fut pas spécialement impressionné mais félicita Erich Warsitz pour son courage (Warsitz y gagna au moins une renommée). 


Le moteur fusée RI-203 bi-carburant Walter du type utilisé dans le Heinkel He-176.
Source: Secret Aircraft of the Reich aux éditions Schiffer Military 1998.


"" Une fin peu glorieuse ""
Le Heinkel He-176, en dépit de l"absence totale de tout incident pendant sa période d'essais, ne conquit ni les faveurs de Hitler, ni celles du RLM qui, pourtant, avait demandé que l'on prévoie un armement de bord. Très contesté politiquement, Ernst Heinkel devait déclarer par la suite que ses démêlés avec les autorités avaient commencé par la suspension du programme He-176, mais admit que ce ne fut pas là la seule raison. En effet, le RLM misait sur la réussite du programme prôné par Hans M. Antz et Lorenz Baeumker, respectivement du "Technisches AMT et du RLM, élaboré par le professeur Alexander Lippisch, qui donna naissance au très célèbre avion-fusée d'interception Me-163 "Komet".
Heinkel avait envisagé la construction d'un second prototype He-176, fidèle au projet défini au départ, qui aurait atteint les 1 000 km/h prévus. Le premier prototype s'était avéré trop lours, sous motorisé. La préférence du RLM pour le Me-163 fit capoter le projet. Dès lors, Heinkel concentra son attention et ses efforts sur le programme parallère He-178, développé et construit en même temps que le He-176 (les deux prototypes s'étaient côtoyés sous le même hangar pendant leur assemblage), un appareil propulsé par un turboréacteur.
Avec le début de la Seconde Guerre mondiale, le He-176 fut démonté, mis en caisses, stockées pendant un temps à Rostock, puis transférées à Berlin au musée de l'Aéronautique. Ces caisses s'y trouvaient encore en 1944, lorsqu'un bombardement alliés les détruisit complètement.
Ainsi se termine la plus glorieuse aventure de celui qui fut pourtant la préfiguration du premier avion à réaction pur à avoir volé au monde; le Heinkel He-178.


Le He-176, second prototype tel qu'il serait apparu si le programme ne s'était pas heurté à la préférence des autorités pour le Me-163 (dessin Herbert Léonard).

Profil de la version de série telle qu'elle était envisagée. Notez les différences surtout structurelles avec celui du plan trois-vues (dessin Herbert Léonard).
Source des deux dessins: La revue Aviation Magazine International n°912 de février 1986.

Autre vue d'artiste sur le second prototype.
Source: La revue Air Fan n°127 de juin 1989.


"" La maquette du modèle ayant volé ""












Jean - Marie

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