Le SNECMA C-450 "Coléoptère".






"" Il devait ouvrir à l'aéronautique sa conception révolutionnaire ""


Historique et description : La revue Aviation Magazine n°276 du 1 juin 1959.
par Jacques GAMBU, dessin de Jean PERARD.
Photos de la SNECMA et Lucien ESPINASSE.



Sur le sujet voir aussi : La revue le Fanatique de l'Aviation n°89 - 90 et 474.
La revue Science et Vie spécial Aviation des années 1957 et 1959.

Pour connaître l'histoire complète, voir l'article sur l'Atar Volant du 20 janvier 2015 sur le même blog. 




Description : Le SNECMA C-450 "Coléoptère" était un appareil expérimental destiné à déterminer les conditions d'un vol complet comportant un décollage vertical, un basculement sur l'horizontal, un palier, un nouveau basculement, sur la verticale et un atterrissage dans cette position. Le rôle de l'appareil est de fournir des indications tant sur le comportement de l'ensemble réacteur que sur celui de l'aile annulaire, à travers toutes ces phases de vol.
Le C-450 est constitué de deux grands ensembles : un ensemble aérodynamique comprenant une aile annulaire, des empennages cruciformes et un plan avant escamotable (moustaches), et un ensemble propulseur groupant le système de gouvernes propres au vol vertical à faible vitesse et au vol stationnaire, le système de stabilisation automatique nécessaire à ces cas de vol et, bien entendu, le réacteur et ses entrées d'air latérales.

L'aile annulaire : pas de dièdre, pas de flèche, pas de vrillage, pas d'effilement, pas de pertes marginales, pas de flexion, pas d'inclinaison, pas de dérapage, pas de glissade, pas de vrille...
Une aile extrêmement moderne et, pourtant, dans les calculs on l'assimile à un biplan, ce qui n'est pas tellement révolutionnaire... 

L'aile annulaire : La vitesse du "Coléoptère" ayant été volontairement limitée à des valeurs n'introduisant pas les facteurs de compressibilité, l'intérêt des essais portera sur le comportement d'une aile annulaire et ses qualités dans le domaine subsonique. D'autre part, toute étude sur le vol vertical est présidée par le souci constant du poids. Un gain de poids sur le "Coléoptère" ne provient pas tellement de l'aile annulaire elle-même mais du fait qu'elle supprime l'arrière du fuselage qui s'arrête à la tuyère du réacteur, ne porte pas d'empennages et peut ainsi être plus léger du fait qu'il n'a aucun effort à transmettre.
Les efforts de gouvernes, en vol en palier, sont pris par l'aile qui est justement très rigide en torsion. La partie arrière du fuselage du "Coléoptère" n'est donc qu'un simple carénage non travaillant.
Dans un tout autre domaine, l'aile annulaire se prête parfaitement aux applications futures projetées par la SNECMA et qui verraient cette aile jouer un rôle de carénage extérieur de statoréacteur, venant lui accorder une fonction de propulsion en plus de sa fonction actuelle de sustentation. Dans le cas du statoréacteur, le corps central contiendra toujours le réacteur nécessaire au décollage vertical, à la mise en vitesse d'allumage du stato et à l'atterrissage, aboutissant ainsi à la configuration turbo-stato dont on sait tout le bien, depuis les succès du Nord-Aviation "Griffon" notamment.
Un autre forme de fonction propulsive de l'aile annulaire consisterait à lui faire jouer un rôle de carénage d'hélice. L'hélice est certainement mieux adaptée que le statoréacteur pour certaines missions ne nécessitant pas de grandes vitesses. Des essais en soufflerie ont montré qu'en entourant  une hélice d'un carénage soigneusement dessiné -- lèvres d'entrée arrondies pour éviter les décollements et produire une dépression propulsive -- on augmenterait son pouvoir de propulsion de 25% environ, arrivant ainsi au voisinage immédiat du rendement maximum théorique de ce propulseur !... 


Le SNECMA C-450 "Coléoptère". Source: La revue Science et Vie, numéro hors série spécial aviation 1959.


Le Nord-Aviation 1500-02 "Griffon" II du Musée de l'Air au Bourget 93 (FRANCE).
Source: Collection personnelle de Loloskymaster (surnom), membre du Maquette Club Thionvillois 57 (FRANCE).


Revenons au C-450, et à son aile. Celle-ci offre un diamètre de 3,20 m pour une profondeur, évidemment constante, de 3 m. Son bord d'attaque, d'un rayon de 15 mm, est situé à 3,82 m de l'avant du fuselage. Son profil a une épaisseur relative de 6% et est dissymétrique. En effet, pour éviter l'apparition des zones de vitesses soniques localement, on a choisi une cambrure moindre à l'intrados qu'à l'extrados, de façon à obtenir des sur-vitesses locales identiques sur les deux faces. En effet, sur l'aile annulaire et aussi en raison de la présence du corps central, la vitesse d'écoulement est plus grande à l'intérieur qu'à l'extérieur. Il a donc fallu réduire la cambrure de l'intrados pour ramener la valeur des sur-vitesses à un chiffre comparable à celles de l'extrados. C'est pourquoi l'intrados est cylindrique -- correspondant à un profil plat -- sur une longueur de 2 m à partir du bord de fuite.
Du point de vue aérodynamique, l'aile annulaire peut être assimilée à une voilure biplane, mais qui n'aurait pas de décollements importants et de toute façon pas marginaux ! Toutes les forces de portance passant par le centre de l'aile, donc par le centre de l'appareil (axe longitudinal), un décollement local engendré pour une cause quelconque ne peut avoir, comme sur une aile classique, un effet dissymétrique (tombée d'aile) et le "Coléoptère" ne peut absolument pas rouler tant que le pilote ne le désire pas. Par contre, lorsque celui-ci incline son appareil, ce dernier s'engage en roulis mais ne vire en aucune façon, ni ne s'enfonce ! Si bien qu'un virage à plat est non seulement possible, mais normal et non accompagné de dérapage. 


L'usine de Châtillon-sous-Bagneux de la firme Nord-Aviation terminait la construction du C-450 "Coléoptère".
Source: La revue Aviation Magazine n°276 du 1 juin 1959.



L'aile annulaire, assimilée à un biplan, présente une courbe de portance en fonction de l'incidence comparable à celle de ce biplan dont la surface serait égale au double de la surface projetée de l'aile annulaire (diamètre x profondeur).
Les essais en soufflerie avec fils de laine de visualisation ont montré qu'il n'y avait pratiquement pas de décollements, même à des incidences de 30 à 40°. En fait, la polaire reste plate très longtemps, un peu comme sur toute voilure classique de faible allongement. Mais, le Cz étant relativement faible, on est conduit à augmenter la surface. Sur des ailes classiques, cette augmentation amène un accroissement de poids sensible qui est beaucoup moindre sur l'aile annulaire, en raison du genre d'efforts qu'elle doit tenir. Et malgré qu'en vol normal une partie de l'aile annulaire est inutile, du moins en ce qui concerne la portance, le poids de structure par unité de surface reste en faveur de cette voilure.
Par ailleurs, la caractéristique plate de la polaire est un facteur favorable qui sera largement utilisé pendant les manœuvres de basculement et constitue un élément susceptible de réduire dans de notables proportions, la zone délicate de transfert de la sustentation de l'aile au réacteur, et inversement.
Du point de vue structural, l'aile annulaire est tellement différente des voilures classiques que des études spéciales ont été nécessaires, qui ont demandé un couple d'années. Ces études théoriques devaient déterminer un mode de calcul structural adapté à une double coque.
Car l'aile annulaire est ramenée à ce concept de la double coque comprenant une peau extérieure et une peau intérieure et dont le dessin doit être soigneusement établi. A la suite des études théoriques, des essais partiels ont été conduits. Une première voilure à l'échelle 1/2 fut construite et soumise à des efforts bien déterminés. En comparant la tenue de cette voilure avec ce que les calculs laissaient prévoir, on établit une corrélation extrêmement satisfaisante. Quelques six cents "strain gauges" étaient réparties sur toute la structure et devaient en trahir la tenue sous des efforts appliqués en portance. Ces efforts introduisent, à partir d'un certain stade, des charges dites d'ovalisation du fait de la répartition particulière des pressions sur les parties supérieure et inférieure de l'aile et tendant à ovaliser la structure dans le plan vertical. 


Dans le hangar qui lui est réservé à Melun-Villaroche le "Coléoptère" est prêt pour un vol d'essai sous portique. Le réacteur et sa tuyère directionnelle ne sont pas encore recouverts de leur carénage léger d'habillage non travaillant. On remarque les planchers de travail s'appuyant à l'intérieur et en bas de l'aile.
Source: La revue Aviation Magazine n°276 du 1 juin 1959.



En plus, il fallait mesurer les efforts provenant de la présence du combustible dans la partie avant de l'aile, ce combustible étant réparti dans quatre réservoirs cloisonnés en croix. En cours de vol, la baisse de niveau dans ces réservoirs n'est évidemment pas symétrique : le niveau baisse de haut vers l'axe pour les deux réservoirs supérieurs et de l'axe vers le bas pour les deux inférieurs. Tout cela implique des efforts dissymétriques que la structure doit encore tenir.
Des essais statiques extrêmement poussés furent menés sur la tenue en compression d'une aile annulaire raidie circonférentielle-ment. Un cylindre raidi de cette façon fut immergé dans une cuve pour mesurer les contraintes périphériques. Par la suite, le cylindre lui-même fut également rempli d'eau et la pression fut appliquée à l'extérieur du cylindre, de façon à répartir cette pression sur toute la surface. Une trentaine de maquettes fut ainsi testée jusqu'à la rupture. A chaque essai, on faisait varier la hauteur, l'épaisseur, l'espacement, la forme même des raidisseurs, etc... jusqu'à trouver la configuration structurale la moins lourde et la plus résistance.
Il convient de noter que la structure finalement choisie revêt un caractère de simplicité étonnant. Elle repose sur un cadre principal situé à 1 mètre environ du bord d'attaque, un autre bord avant et un troisième arrière, tous annulaires, bien sûr, et recouverts d'une tôle de revêtement dont l'épaisseur n'est que de 6/10 mm en arrière, 8/10 ensuite et 10/10 mm à l'avant, au droit des réservoirs structuraux. Tout l'ensemble est raidi par un réseau dense de raidisseurs, annulaires toujours, de forme en Z et d'une hauteur de 2 cm. Leur épaisseur est sensiblement la même que celle de la peau de revêtement qu'ils doivent raidir, à chaque endroit.
Cette structure n'est évidemment pas comparable à celle d'une aile classique, du fait de sa forme annulaire. Mieux, les deux peaux de l'aile sont à double cambrure : l'une dans le sens longitudinal, due au profil et l'autre dans le sens circonférentiel. Il résulte de cette configuration que les efforts aérodynamiques, quels qu'ils soient, se traduisent par des charges de traction ou de compression, mais pas de flexion tels qu'on les entend pour une aile plane.
Quant à la torsion de l'aile cylindrique, elle est nulle comme dans un tube et la flexion est, en fait, 100 fois plus faible qu'une aile plane. Tout se passe donc comme si les charges étaient diffusées dans les peaux de revêtement. Les seuls efforts concentrés de flexion sont engendrés par la transmission des charges de l'aile au fuselage. Ces charges sont d'ailleurs tenues par le cadre principal et les quatre longerons longitudinaux tenant également les quatre jambes de l'atterrisseur. Soulignons que ce que nous appelons des longerons seraient, pour une voilure classique, des nervures fortes, puisqu'ils sont placés dans le sens du profil.
Puisque nous parlons de l'atterrisseur, soulignons que les efforts provenant de celui-ci sont directement transmis au fuselage par l'intermédiaire des quatre mâts reliant ce fuselage à l'aile, sans que cette aile en souffre par ailleurs. En cas d'efforts latéraux à l'impact, ce qui correspond, pour un avion classique, à un effort dérapé, ceux-ci sont pris par le cadre arrière de voilure qui, à son tour, les diffuse dans le revêtement tout entier.
Ce cadre arrière transmet également, et selon un processus sensiblement analogue, les moments de gouvernes monobloc articulés sur les quatre longerons également. Ces gouvernes aérodynamiques ont fait l'objet d'essais de vibrations au sol dirigées par l'ONERA qui a conclu que leur vitesse critique serait loin d'être atteinte avec le "Coléoptère" actuel. En ce qui concerne l'aile, la question ne se pose pas puisqu'elle ne présente pas les deux degrés de liberté nécessaires, en rotation même de sa forme.
Soulignons, pour terminer, que les travaux de la SNECMA sur l'aile annulaire restent sans concurrence dans le monde... Tout ceci aboutit à une voilure extrêmement légère et rigide qui garde encore aujourd'hui son caractère révolutionnaire.    


Le maître en la matière, Jean PERARD, et ce superbe écorché sur le C-450 "Coléoptère". 


Photos du haut et au milieu : La partie de l'aile annulaire fait office de réservoir structural de pétrole... dont la construction fut établie sur un bâti horizontal à Châtillon-sous-Bagneux. Photo du bas : Cette vue de détail montre un des mâts horizontaux de liaison de l'aile au fuselage (vue prise de l'arrière). Les flèches marquent, de gauche à droite, les deux cadres forts au fuselage, la liaison arrière comportant le tourillon d'attache du réacteur et, dans le mât, les deux tuyères de gouverne de roulis débouchant près de l'aile.
Source écorché et photos: La revue Aviation Magazine n°276 du 1 juin 1959.


Le plan escamotable avant : L'étude de la polaire et des courbes de stabilité montre q'à partir d'une incidence de 20° la stabilité longitudinale de l'avion augmentait considérablement, ceci, bien entendu au détriment de la maniabilité. Or ce phénomène se manifeste au moment où le pilote, abordant son basculement, a besoin, précisément, de la maniabilité maximum.
On a donc prévu un empennage "canard" escamotable disposé à l'avant et qui est chargé de ramener la stabilité à une valeur normale.
Des essais en soufflerie ont montré une bonne interaction moustaches-entrées d'air dans ces régimes de vol cabré. Ces moustaches permettent un bon contrôle de l'avion sans qu'il soit nécessaire d'augmenter la poussée du réacteur. Car un effet favorable identique à celui du plan canard peut être obtenu en agissant ainsi. En augmentant la poussée, la quantité d'air aspirée est plus importante et cette augmentation produit sur la partie inférieure des entrées d'air une portance locale due au dessin particulier de ces entrées et qui vient jouer un rôle aérodynamique analogue.
Chaque plan avant, triangulaire, est articulé selon son sommet avant et se développe suivant son côté arrière, sous l'action d'un vérin électrique, lequel permet une grande quantité de positions. La profondeur maximum est de 0,60 m.


Pour "déstabilisé" le "Coléoptère" aux grands angles de vol, un empennage canard escamotable a été prévu dans la pointe avant et pivote latéralement.
Source: La revue Aviation Magazine n°276 du 1 juin 1959.


Le fuselage : D'une longueur de 6,75 m, le fuselage offre sa hauteur maximum au droit de la verrière du poste de pilotage, soit 1,675 m, alors que la largeur  maximum se situe un peu en arrière des entrées d'air où elle atteint 1,60 m. La forme de la partie avant est conditionné par celle de la verrière recouvrant le poste de pilotage dont le siège, pivotant, doit parcourir un arc de cercle. De plus, des impératifs de visibilité ont été satisfait par ce dessin et complétés par le percement de fenêtres latérales inférieures et une de plancher. En dehors de l'aménagement et de l'équipement de ce fuselage, on peut dire que celui-ci est scindé en trois grandes parties importantes : le poste de pilotage, précédé des "moustaches", les entrées d'air au rôle si important, et le compartiment du réacteur équipé de sa tuyère directionnelle. Le fuselage est relié à l'aile par quatre mâts en croix de 0,97 m de profondeur au fuselage et 0,45 m à l'aile, et offrant une forte flèche. Ces mâts sont raccordés à l'avant de l'aile, compte tenu du centrage qui est de 10 à 12% seulement.
La cabine offre au pilote la possibilité de piloter l'avion en position verticale, horizontale et toutes celles intermédiaires. En vol horizontal, le pilote consulte son tableau de bord normal placé devant lui, cependant qu'un pupitre latéral gauche groupe les instruments de contrôle de vol vertical. Le siège du pilote bascule en décrivant un secteur de cercle qui a, d'ailleurs, conditionné le dessin de la cabine et des parties vitrées.
En palier, le pilote est incliné de 10° vers l'arrière, alors qu'en vol vertical, il l'est de 45°, ceci par rapport à la verticale du moment. Il en résulte une plage de basculement de 55°.
Une telle disposition rendait difficile l'usage du palonnier ou des pédales classiques commandant les évolutions en lacet. Pour cette raison, cette dernière fonction a été également reportée sur le manche, en rendant sa poignée tournante. Soulignons que si le siège bascule, le manche est absolument fixe par rapport à l'avion, ce qui est souhaitable pour conserver la bonne relation entre les mouvements de celui-ci et ceux résultant de l'avion. Le manche commande donc toutes les gouvernes, qu'elle soient aérodynamiques (vol en palier) ou par jet (vol vertical). Ces gouvernes étant également asservies au pilote automatique stabilisant l'appareil en vol vertical, une telle superposition d'ordres ne pouvait se faire de façon rationnelle que par l'emploi d'une chaîne électrique pouvant transporter les excitations des systèmes de pilotage, manuel et automatique. 


Le pilote Morel, à bord et en position correspondant au vol en palier, dispose, pour la visibilité, de panneaux vitrés latéraux et de plancher en plus de la verrière.
Source: La revue Aviation Magazine n°276 du 1 juin 1959.


Le pilote est assis dans un siège éjectable spécial qui a été développé en collaboration étroite avec Sud-Aviation. Il comporte un parachute à cinq coupoles à ouverture très rapide mais ne pouvant alors fonctionner à très grande vitesse. Adapté à l'éjection pendant le vol vertical,soit à vitesse nulle, un tel parachute s'ouvrant très vite à grande vitesse provoquerait un choc insupportable avant de se refermer aussitôt. Il a donc été nécessaire de prévoir un second parachute de freinage initial ne développant la voilure principal que lorsqu'une vitesse raisonnable a été atteinte. Des essais effectués au, sol le long d'une carrière, ont prouvé que l'éjection du siège était possible en vol stationnaire près du sol. Le même matériel a été ensuite soumis aux essais en vol horizontal sur avions de CEV spécialement aménagés et ceci jusqu'à des vitesses de 800 km/h et des altitudes de dépassant pas 150 m.
Le siège, automatique et à commande basse, est donc parfaitement adapté à sa fonction multiple. Bien entendu, les séquences d'éjection prévoient le largage préalable de la verrière sous l'effet de deux petites charges de poudre.
Les entrées d'air sont plaquées sur le flanc de la cabine. Un problème se posait pour elles : la descente à la verticale précédant l'atterrissage. Cette descente doit, nous l'avons vu, être la plus rapide possible. Mais, dans ce cas, l'appareil "recule" et l'alimentation de son réacteur en air devient particulière. En effet, il n'y a plus aucun effet dynamique sur les entrées et, au contraire, l'air "remonte" le long du fuselage avant de s'engouffrer dans les manches latérales.
Les essais du C-400 P-3 sur banc ferroviaire, effectués avec la participation des services techniques de la SNCF, permirent de mesurer la vitesse de descente limite, au-delà de laquelle l'alimentation du réacteur risquait d'être perturbée jusqu'à l'extinction, des décollements à l'entrée pouvant amener des vibrations du compresseur. Les essais sur rail furent menés jusqu'à une vitesse négative de 20 m/sec (72 km/h), vitesse maximum obtenue par le train dont l(effort de traction était contrarié par la poussée du réacteur s'opposant à son mouvement. Les mesures de poussée établirent, d'autre part, que celle-ci était un peu supérieure, dans certains cas, à la poussée au point fixe. L'explication est simple : la quantité de mouvement fluide dans le réacteur, qui conditionne sa poussée, est fonction du produit de la masse d'air admise par la différence entre la vitesse de sortie des gaz et la vitesse de vol. Il est clair que si cette vitesse devient une somme et le produit sera alors plus élevé, et partant, la poussée. En fait, celle-ci sera légèrement supérieure pour une vitesse négative de 10 m/sec, et sensiblement égale à la poussée au point fixe, en raison des pertes de -- 20 m/sec.


Les entrées d'air ont des lèvres arrondies, sont inclinées vers le bas et sont largement calculées. De plus, une fente intérieure retarde au maximum les décollements lors des basculements de l'avion.        
Source: La revue Aviation Magazine n°276 du 1 juin 1959.



Le dessin des entrées d'air a donc été un rude travail avant d'obtenir un rendement satisfaisant. Il fallait, avant tout, alimenter le réacteur convenablement en configuration de descente, c'est-à-dire au moment où l'avion a besoin de toute sa poussée et où un arrêt du réacteur aurait les conséquences que l'on imagine. M Richter y parvint en dessinant des lèvres d'entrées d'air très arrondies avec un rayon variant de 2 à 3 cm et en prévoyant des fentes latérales inférieures charger de retarder au maximum l'apparition des décollements.De plus, ces entrées d'air ont un plan d'admission incliné vers l'avant de 24° sur la référence perpendiculaire à l'axe longitudinal de l'avion.
Ceci en raison des assiettes cabrées attendues de l'appareil, plus importantes que sur un avion classique rapide. Une telle entrée, dont le comportement a été vérifié en soufflerie, affiche un rendement maximum pour une incidence de 10°, ce rendement étant légèrement plus faible, mais restant de même valeur pour les incidences de 0 à 20°.
Cette situation, associée à la courbe de portance plate de l'aile annulaire, doit facilité le basculement de l'avion et surtout sa mise en cabré lors de la présentation pour l'atterrissage.
Le réacteur est un SNECMA "Atar" E5V de 3 700 kgp statique. Rappelons que la lettre V ajoutée à sa désignation est là pour rappeler son fonctionnement vertical. Les "Atar volant" C-400 P-1 et P-2 étaient équipés de groupes "Atar" DV provenant de l'adaptation des "Atar" D. Le C-400 P-3 et le C-450 ont reçu des "Atar" EV plus puissants et la SNECMA poursuit ses travaux en adaptant tous ses autres réacteurs qui sont, dès l'origine, prévus pour pouvoir fonctionner à la vertical moyennant des modifications mineures (Ex : Atar 8V...)
Le réacteur est muni de sa tuyère directionnelle comportant quatre orifices d'injection d'air comprimé normalement à la veine de gaz. Ces jets d'air sont commandés par électrovannes et proviennent d'un prélèvement en aval du compresseur. Ce prélèvement n'occasionne qu'une perte de 4% sur le débit d'air vers les chambres de combustion, alors qu'il alimente encore les éjecteurs de roulis. En faisant débiter les quatre fentes de la tuyère directionnelle, on aboutit à une striction de la veine de poussée et, par conséquent à un réglage instantané de cette poussée. E n ne faisant débiter qu'une seule fente, on obtient une déviation, donc un moment de gouverne ou un couple ou un couple stabilisateur, selon l'origine de l'action.


Photo de gauche : L'aile annulaire ignore la flexion et les efforts concentrés, au point que les axes d'attache des fils du portique sont fixés sur un "corset" entourant l'aile.
Photo de droite : Ce "corset" est lui-même surmonté d'un pylône tubulaire recevant le câble antichute qui ne pouvait être fixé à l'avant du fuselage non-étudié pour cela.
Source: La revue Aviation Magazine n°276 du 1 juin 1959.


Le réacteur est alimenté en combustible à partir des quatre réservoirs structuraux inclus dans la partie avant de l'aile annulaire. Ces quatre réservoirs sont compartimentés en croix, ainsi qu'on l'a vu, et débitent dans une nourrice placés dans la base de l'aile et à l'arrière du cadre limitant les réservoirs vers l'arrière. L'alimentation de la nourrice est ainsi assurée quelle que soit la position de l'appareil. C'est dans la nourrice que deux pompes immergées puisent le combustible et l'envoient au réacteur. Au cas où l'alimentation de la nourrice serait arrêtée, par suite d'un vol prolongé sur le dos, d'un piqué ou de fortes accélérations négatives, le réacteur sera alors alimenté directement par deux petits accumulateurs pressurisés de fuselage, en attendant que la situation redevienne normale.
Bien sûr, il convient que les quatre réservoirs se vident en même temps et de la même quantité. Cette condition, qui n'est pas trop grave en vol horizontal, devient impérative lorsque l'avion est vertical et les réservoirs placés dans un plan horizontal. Un réservoir présentant une quantité plus importante que celui d'en face provoquerait un couple de déséquilibre important, en raison de l'éloignement de ces masses de l'axe de l'avion. Uu régulateur de débit veille donc à ce que les quatre réservoirs se délestent uniformément.
Enfin, l'atterrisseur est quadricycle et présente une "voie" de 2,85 m. Chaque roue, tournant folle autour de son support, est portée par une fourche solidaire d'un amortisseur oléo-pneumatique. Cet amortisseur est monté sur une jambe caissonnée correspondant aux longerons de l'aile annulaire.
Une des quatre roues est encore munie de la sonde d'atterrissage, sorte de roulette portée en bout d'un tige coulissante et dépassant des quatre roues principales.
Touchant le sol avant celles-ci, elle provoque l'allumage d'un voyant au poste de pilotage qui renseigne alors le pilote sur son altitude exacte, puis s'efface. Signalons, au sujet de la procédure d'atterrissage, que le pilote dispose encore d'un altimètre sensible, d'un variomètre pour régler sa vitesse de descente et d'un système Lumisol dont le principe de fonctionnement simple s'apparente à l'astuce employée par les fameux bombardiers des "Briseurs de barrages"... Avec ceux-ci, l'obtention d'une altitude précise était possible par le croisement de deux faisceaux lumineux représentant les deux côtés d'un triangle.
Ces deux faisceaux étaient réglés de façon que lorsque les deux taches lumineuses sur la surface de l'eau se confondaient, matérialisant ainsi le sommet du triangle, la hauteur de l'avion était égale à celle du triangle. Il suffisait de conserver un tache unique pour être sûr de garder l'altitude choisie.
Dans le "Coléoptère", le principe est sensiblement le même, à ceci près que l'on utilise des cellules photo-électriques matérialisant le triangle et renseignant le pilote sur une altitude exacte par rapport au sol, altitude à laquelle la vitesse de descente doit être ramenée au chiffre précédant de peu l'impact.     


Cette vue d'identification permet de remarquer l'importance des entrées d'air latérales, quelques parties vitrées de l'habitacle, les gouvernes aérodynamiques et l'atterrisseur à quatre roulettes.
Source: La revue Aviation Magazine n°276 du 1 juin 1959.



"" Commandes et gouvernes du C-450 ""



Commandes par jet dévié
1) Manche-pilote.
2) Boite d'évolution (commande par jet).
3) Boite de trim et de commutation de chaînes.
4) Boite d'ampli.
5) Boite de détection.
6) Boitier générateur.
7) Vérin de roulis.
8) Tuyères de roulis.
9) Vérin de lacet.
10) Buses de lacet.
11) Vérin de tangage.
12) Buses de tangages.

Commandes aérodynamiques
A) Manche pilote et boite de trim.
B) Tableau de commandes.
C) Centrale de vitesse. 
D) Centrale de vitesse.
E) Ensemble Gyromètre. Roulis et tangage.
F) Sero-commande lacet.
G) Servo-commande tangage.
H) Gouvernes aérodynamiques.

"" Gouvernes et commandes de vol ""
Examinons, tout d'abord, les cas de vol extrêmes.
En palier rapide, l'avion commandé par des gouvernes aérodynamiques classiques et il bénéficie de la stabilité aérodynamique propre à tout avion conventionnel.
 En vol vertical stationnaire ou à faible vitesse, l'avion est contrôlé par des gouvernes par jet et bénéficie d'une stabilisation artificielle obtenue avec le concours d'un pilote automatique spécial.
Les gouvernes par jet et les gouvernes aérodynamiques sont toutes commandées depuis le poste de pilotage par le même manche. Elles opèrent en même temps et sont prépondérantes, l'une de l'autre, selon le cas de vol. De plus, les gouvernes par jet sont également commandés par le système de stabilisation artificielle.
 Toutes les commandes sont électro-hydrauliques et comprennent une chaîne électrique d'excitation et une chaîne hydraulique de fonctionnement. Les débattements du manche sont transformés par de simples potentiomètres en impulsions électriques qui viennent exciter le système électro-vanne des gouvernes par jet et les distributeurs des servo-commandes actionnant les gouvernes aérodynamiques.
Gouvernes par jet et aérodynamiques se partagent les rôles selon le cas de vol. En vol vertical, les gouvernes aérodynamiques sont inopérantes et les gouvernes par jet prépondérantes, et ceci d'autant mieux que le réacteur tourne non loin de son plein régime. Par contre, en palier, ces gouvernes sont inefficaces puisque le réacteur, surpuissant pour ce cas de vol, ne tourne plus qu'à 20% de sa poussée à 500 km/h. A cette vitesse, les gouvernes aérodynamiques sont pleinement efficaces.
En résumé, l'efficacité des gouvernes par jet est fonction de la poussée du réacteur, et celle des gouvernes aérodynamiques proportionnelle à la vitesse de vol. Ceci est intéressant car si, pour une cause quelconque, panne de servo-commandes, etc..., les gouvernes aérodynamique sont défaillantes en palier, le pilote peut retrouver l'efficacité des gouvernes par jet en poussant son réacteur. Il sera alors toujours en mesure de ramener ainsi l'avion au sol.   


En cours de dépose par les vérins de sa remorque, le "Coléoptère" pointe déjà son nez vers le ciel qu'il attaquera de front, directement dressé vers lui.


Plan trois vues de Jean PERARD du C-450 "Coléoptère".
Source des deux photos: La revue Aviation Magazine n°276 du 1 juin 1959.



Du côté des commandes, on a veillé à rendre le pilotage le plus uniforme possible par introduction d'une centrale de vitesses qui, en fonction de la pression dynamique de vol, donc de la vitesse, corrige le rapport entre le débattement du manche et celui de la gouverne correspondante aérodynamique.
En vol vertical, les ordres électriques du pilote se superposent à ceux du pilote automatique. Cette superposition se fait dans un bloc d'asservissement électronique qui délivre les excitations finales aux vérins à commande électrique; les ordres du pilote automatique au bloc d'asservissement proviennent des informations recueillies d'un ensemble de stabilisation comprenant un gyroscope de contrôle des axes de tangage et de lacet (le contrôle de l'axe de roulis n'est pas nécessaire) et trois gyromètres de détection et mesure des vitesses angulaires autour des trois axes.


Le poste de pilotage du SNECMA C-450 "Coléoptère".
Source: La revue Aviation Magazine n°276 du 1 juin 1959.



Les gouvernes par jet comprennent celles de tangage et de lacet obtenues avec la tuyère directionnelle et celle de roulis, indépendante, qui consiste en de petits éjecteurs d'air comprimé débouchant à l'extrémité des deux mâts horizontaux de liaison de l'aile au fuselage. Éloignés du fuselage pour tirer le maximum de bénéfice du bras de levier, ils soufflent, par contre, la paroi interne de l'aile annulaire occasionnant une réaction de frottement qui a dû être compensée au stade des essais.
Les gouvernes aérodynamiques comprennent quatre surfaces identiques extérieures à l'aile et articulés à sa partie arrière. Commandées par servo-commandes hydrauliques à commande électrique, ces surfaces ont un bord d'attaque en forte flèche et une corde de 1,30 m à l'emplanture, ramenée à 0,16 m en bouts pour une envergure de 0,75 m. Entièrement mobiles, elles assurent le contrôle en profondeur pour les deux gouvernes horizontales et simultané en roulis/direction pour les deux gouvernes verticales, l'avion étant supposé en vol en palier.

"" Calendrier SNECMA du vol vertical ""
1952. -- Janvier : travaux de base; essais maquette M2 au laboratoire. Décembre : essais maquette M2 en soufflerie de Cannes.
1953. -- Construction de maquette volante "Ecrevisse".
1954. -- 31 mars : premier vol maquette "Ecrevisse", poids 30 kg, poussée 40 kgp; développement et essai de tuyère directionnelle "Atar"; études des bancs spéciaux "Atar" V; étude du premier "Atar volant" C-400 P-1.
1955. -- Janvier : essai de circuit d'huile "Atar" sur banc vertical. Février : essai de l'influence du sol. Mars : commande de roulis sur banc tournant. Mai : "Atar" V sur banc oscillant 2 axes (chaîne complète de commande et de pilote automatique, tuyère directionnelle); construction du C-400 P-1 télécommandé. Octobre : essai du C-400 P-1 sur banc gyroscopique. 29 décembre : réception du C-400 P-1 par le ministère.
1956. -- Finition et réception du portique. 13 juillet : C-400 P-1 sous portique (premier vol). 21 octobre : réception en vol du C-400 P-1 sous portique; construction du C-400 P-2 piloté, passage sur banc gyroscopique. 31 décembre : réception du C-400 P-2.
1957. -- Essai du simulateur de vol sur banc gyroscopique; début construction du C-450. Mars : vols du C-400 P-2 au portique; réception en vol du C-400 P-2. 14 mai : premier vol sur aérodrome du C-400 P-2; construction du C-400 P-3 à cabine et entrées d'air. Octobre : essais ferroviaires du C-400 P-3 (descente simulée).
1958. -- Avril : livraison à Melun du C-450.
1959. -- 17 avril : premier vol sous portique du C-450.
11 mai. -- premier vol sur aérodrome et évolutions libres "verticales".


Quatrième étape du développement de l' "Atar volant", le SNECMA C-450 "Coléoptère" est prêt à voler. Il est équipé d'un réacteur "Atar" 8 V spécialement adapté. (Ektachrome SNECMA).
Source: Couverture de la revue Aviation Magazine n°254 du 1 juillet 1958.


Réalisée spécialement pour le "Coléoptère", la remorque Armor Aéronautique sert aussi bien au transport de l'appareil... 


...qu'à sa mise en oeuvre, comprenant point fixe et mise sur roues entre autres choses. Voici deux phases de cette manœuvre.
Source des deux photos: La revue Aviation Magazine n°276 du 1 juin 1959.


"" Le SNECMA B.T.Z. "Coléoptère" ""
Sur le "Coléoptère" de Von Zborowski, la voilure annulaire sert à la fois à la sustentation de l'appareil et comme enveloppe d'un statoréacteur. Des tuyères à striction assurent la stabilisation ainsi que la possibilité de manœuvre au décollage et à l'atterrissage, en orientant le jet du turboréacteur à post-combustion. La navigation est assurée par le turboréacteur sans post-combustion, les pointes de vitesse par la post-combustion et le statoréacteur qui doit faire dépasser une vitesse triple de celle du son.



1) Radar.
2) Poste de pilotage.
3) Accessoires.
4) Réservoirs de carburant.
5) Turboréacteur avec dispositif de post-combustion.
6) Stabilisateur de flamme du statoréacteur.
7) Gouvernes aérodynamiques.
8) Tuyère à striction.
9) Pied support.


"" SNECMA B.T.Z. aux noms d'insectes "" 


Le B.T.Z. "Bruche" est l'application de la voilure annulaire à un appareil tactique léger, de 8,40 m de longueur et 2,60 m de diamètre, pour l'attaque à faible altitude. La propulsion en croisière est demandée à un "Atar" 101; les pointes de vitesse (de 1 500 km/h) à la mise en action du statoréacteur formé par la voilure annulaire. 


Le B.T.Z. "Hanneton" II est un triplace à voilure annulaire de 5,70 m de longueur, équipé de deux turbopropulseurs Turboméca "Artouste II" de 400 chevaux chacun. Les deux hélices arrière, contrarotatives, sont carénées. La vitesse maximum que l'on escompte de cet appareil est de 450 km/h et le rayon d'action de 1 000 km.
Source des trois photos: Science et Vie Aviation de 1957. 


"" La maquette survivante du C-450 ""

Une maquette survivante de soufflerie du C-450 "Coléoptère".  Collection personnelle.


"" La maquette de la marque Mach 2 ""




Jean-Marie











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