L'histoire du Breguet Br 941.







"" C'était une application pratique de l'aile soufflée ""

Historique:  Aviation Magazine n°277 du 15 juin 1959.
                             Aviation Magazine n°382 du 1 novembre 1963. 


Textes photos et dessins par Jacques Gambu et Jean Perard.





Historique: C'est à partir de 1948 que la firme Breguet s'est attachée avec une attention toute particulière au problème des conditions d'atterrissage et de décollage courts et très courts. Des études ont été menées sur diverses solutions possibles intéressant le soufflage de volets (Br-963), l'hypercicurlation (laboratoire et tunnel), le comportement de rotors carénés inclus dans une voilure fixe (études), l'aile basculante (études) et le soufflage de la voilure entière. Si les calculs ont prouvés que des rotors carénés ou des hélices spéciales apportaient les meilleurs résultats - en solution - "pivotante" - pour le décollage vertical, le soufflage de la voilure fixe était le compromis optimum permettant des performances et une rentabilité appréciables au prix d'une longueur de roulement minimum à l'envol et à l'atterrissage. De plus, cette dernière solution restait la plus rapidement accessible, compte tenu de l'état de la technique, tout en revenant moins cher.

Ce point de vue, exprimé par Breguet , n'échappa nullement aux services officiels qui, en 1956, passèrent à la firme de Vélizy un contrat devant aboutir à la réalisation du prototype Br-940. (voir le sujet sur le blog). Il convient de dire que le financement global du projet fut encore assuré, ensuite, avec l'apport américain du MWDP. Commencé en 1957, le Br-940 vola pour la première foi le 21 mai 1958 et entama bientôt une longue campagne d'essais, campagne coupée de "chantiers" dictés par les résultats des premiers vols. Ceux-ci furent ainsi suivis d'autres qui fournirent des résultats tels que Breguet bénéficia en fin 1958, d'un marché d'études pour l'avion opérationnel Br-941. Ce marché, dont l'exécution était en voir d'être terminée, comporte les études aérodynamiques et structurales, la construction de deux maquettes grandeur d'aménagement, une civil, une militaire, et les essais statiques partiels. Tant et si bien que la construction du véritable prototype du Br-941 est prête à démarrer et n’attend plus  que la commande officielle pour devenir effective.
Jamais une commande d'Etat ne sera fondée sur des résultats précédents aussi prometteurs !... Le Br-940 s'est chargé de vérifier les principes généraux de la formule et présente déjà les dispositifs prévus pour le Br-941. Les retentissants résultats obtenus avec lui ouvrent la porte à un avenir des plus brillants.
Au poids de 6 600 kg, soit 600 kg de plus que le poids contractuel, et avec une puissance effectivement utilisée de 1 200 ch, l'appareil franchit l'obstacle des 15 m en 190 m, après un roulement de 85 m et afficha une vitesse ascensionnelle de 7 m/s. A l'atterrissage, et au poids de 6 900 kg, le 14 mai dernier, l'avion était arrêté 240 m après avoir franchi l'obstacle de 15 m, par vent pratiquement nul. Un tel résultat représente moins de 200 m au poids de 6 tonnes, alors que la longueur contractuelle était de 250 m.
Enfin, le 20 mai 1959, les journalistes invités pouvaient voir, à Toulouse, l'appareil s'enlever après avoir roulé 60 m seulement et s'arrêter, à l'atterrissage, après une quarantaine de mètres de roulement. En 400 m, l'avion franchissait l'obstacle, se posait, s'arrêtait, redécollait et franchissait de nouveau l'obstacle !.
Tous ces chiffres sont autant de références qui, à elles seules, justifient la poursuite d'un effort officiel qui ne peut qu'être payant. Au moment où ces lignes paraîtront, le Salon de Paris battra son plein, des techniciens étrangers, nombreux et de tous les pays du monde, seront venus connaître et apprécier le Br-940 expérimental plein de références et le Br-941 plein de promesses. Sûrement intéressés, ils se tourneront vers la France : si celle-ci n'a pas accompli le geste initial de commander immédiatement le Br-941, comment voulez-vous que les étrangers accordent une attention particulière à un matériel qui est oublié dans son propre pays ?.
Il ne s'agit même pas d'un coup de dés. Les dés sont "pipés" par l'empreinte profonde des performances accomplies et répétées. Il n'y a plus qu'à foncer, qu'à signer, qu'à débloquer un peu d'argent et qu'à laisser faire les gens de chez Breguet. Ils connaissent leur affaire mieux que quiconque. Tout le reste viendra tout naturellement et l'argent dépensé sera vite amorti, les performances du Br-940 en apportent l'aval et la garantie qui, avec lui, n'ont absolument rien de moral...   

Source: Couverture de la revue Aviation Magazine n°382 du 1 novembre 1963.


"" Pourquoi l'aile soufflée ? ""
Dans un avion classique évoluant en régime subsonique, c'est-à-dire en de-ça des problèmes de compressibilité, sa sustentation est assurée par la déflexion de l'air venant de circuler autour du profil de son aile, cette déflexion étant précisément le fait de ce profil particulier. En d'autres termes, la portance est engendrée par la déviation vers le bas d'une certaine masse d'air, donc par une variation de quantité de mouvement dans le plan vertical.
Sur cet avion classique, cette déflexion est engendrée grâce à la vitesse d'avancement de l'avion. Il est clair que si l'on parvient par un moyen ou un autre, à entretenir une circulation artificielle autour d'une aile d'avion et une déflexion corrélative, on obtiendra les mêmes effets de portance, mais à une vitesse de l'avion nulle.
Rappelons encore que la vitesse d'un avion à hélice est obtenue grâce à la traction de celle-ci qui, en fait, résulte d'une variation de quantité de mouvement entre ses faces amont et aval. On voit donc que propulsion et sustentation, ou portance, sont affaire de variations de quantités de mouvement d'air et de gaz.
L'hélicoptère vole donc en rejetant directement vers le bas une quantité suffisante d'air et constitue l'appareil parfaitement capable de décoller et d'atterrir verticalement. Ses performances sont, cependant, de plus en plus approchées par d'autres appareils dont le développement est en cours actuellement. On sait qu l'augmentation de la charge alaire des avions modernes conduit à doter ceux-ci de dispositifs hypersustentateurs de plus en plus développés, précisément pour augmenter, au décollage et surtout à l'atterrissage, la déflexion, donc la portance de leur voilure.
En adaptant à des avions faiblement chargés ces dispositifs spéciaux, on est arrivé à des performances très intéressantes comme celles démontrées par le Dornier Do-27 lors du Salon de Paris en 1957, par exemple. Mais cette solution, peu coûteuse par ailleurs, ne pouvait prétendre à des performances sensationnelles car une vitesse de translation, si minime soit-elle est toujours nécessaire pour alimenter la voilure et ses volets.
   Les principaux véhicules aériens et leur formule générale de fonctionnement.
Source: Aviation Magazine n°277 du 15 juin 1959.
 Offrant une grande économie d'emploi, le Dornier Do-27, un appareil de transport ADAC, convient parfaitement aux petites compagnies comme Rheingau Air Service. 
Source: L'encyclopédie de l'aviation n°74 aux éditions Atlas.

Un moyen d'activer cette circulation consiste à souffler la voilure sur toute son envergure, grâce à des hélices spécialement adaptées. Si, de plus, on dote cette voilure de volets au dessin particulier venant défléchir l'écoulement jusqu'à la verticale, on pourra espérer obtenir un décollage et un atterrissage presque verticaux avec une voilure fixe.
Cette solution retenue par les techniciens de la Société des ateliers d'aviation Louis Breguet, solution qui a trouvé un étonnant début de confirmation avec les vols spectaculaires du prototypes Breguet 940 "Intégral".
Les moyens d'obtenir une variation de mouvement sont de plusieurs sortes et peuvent être de simples hélices, des rotors carénés ou des réacteurs. Pour orienter vers le bas cette quantité de mouvement, le moyen le plus simple consiste à placer le souffle des hélices ou le flux des réacteurs selon cette direction. C'est le cas des appareils "Coléoptère", Ryan X-13 "Vertijet" à réaction, des anciens VTO Lockheed XFV-1 et Convair XFY-1 à hélices, ou encore, de tous les hélicoptères actuels. Si ces derniers volent en translation par un simple et léger basculement vers l'avant, par contre, les autres appareils cités doivent basculer de 90°.
Une autre solution consiste à faire basculer non plus l'appareil tout entier, mais ses propulseurs générateurs de la fameuse quantité de mouvement. Ceux-ci seront alors chargés d'assurer l'envol et la translation mais, dans ce dernier cas, la portance devra alors être transférée à une voilure fixe, ce qui ne simplifie pas le problème.  
                        Le Coléoptère C 45 C-CI de la SNECMA. Source: Science et Vie 1959.
                                                                               

Le Ryan X-13 "Vertijet". Cet appareil expérimental de l'U.S. Air Force a déjà réalisé, depuis avril 1957, de nombreux vols complets, du départ en position verticale au retour sur son poste d'accrochage, en passant par le vol horizontal. Un seul turboréacteur Rolls Royce Avon sert à la sustentation et à la propulsion. Le siège du pilote est basculant.
Source:Science et Vie spécial Aviation 1959.  
Le Lockheed XFV-1 de l'U.S. Navy. Source: Air Classics Vol 12 n°3 de mars 1976.
         Le Convair XFY-1 "Pogo".  Source: La revue Airpower Vol 16 n°1 de janvier 1986.


Une autre famille d'appareils à décollage vertical, les combinés, séparent encore les fonctions propulsion et sustentations et exigent alors deux sources indépendantes de quantité de mouvement : sur le "Rotodyne" anglais, des hélices assurent la translation, cependant q'un rotor d'hélicoptère, devenant en vol rotor d'autogire, plus une aile fixe, sont chargés de la sustentation en palier. Sur le Short SC-1 à réaction, quatre réacteurs verticaux "portent" l'avion et un cinquième le propulse...                             
Après avoir rallumé ses tuyères de rotor, le "Rotodyne" se pose doucement. Il ne sortira son train tricycle qu'après avoir immobilisé totalement son vol à basse hauteur.
Source: Aviation Magazine n°259 du 15 septembre 1958.

Photo du prototype anglais Short SC-1. Équipé de cinq réacteurs Rolls-Royce RB-108, c'est le premier convertible à réaction britannique.
Source: Aviation Magazine n°217 du 27 décembre 1956.

Reste la solution de la déviation vers le bas. Cette solution peut intéresser le flux de réacteurs, cas du Bell X-14 dont le flux est dévié vers le bas par des vannes de tuyère, ou le souffle d'hélices carénées, cas du prototype "Aerodyne" de Lippish réalisé aux Etats-Unis par Collins, ou, enfin, le souffle d'hélices libres directement dévié par l'aile fixe et ses volets, cas du Breguet 940 et 941.
Étudié par la Bell Aerosystem Cy, le Bell XV-14 était un avion de recherches à décollage vertical, VTOL répondant au principe de la déviation du sens de la poussée des réacteurs par l'intermédiaire de vannes directrices.
Source: Aviation Magazine. 

Cette dernière formule, qui est également en étude aux Etats-Unis chez Fairchild (M224) et Ryan (Model 92 "Vertiplane"), est, évidemment celle qui s'écarte le moins de l'avion classique. Mais, à l'encontre de celui-ci, la portance de la voilure peut être engendrée, non plus par la vitesse de translation, mais par le seul souffle des hélices réparti sur toute l'envergure de l'aile.
Si, avec ce moyen, on parvient à un chiffre égalant le poids de l'appareil, on obtiendra alors le vol stationnaire. 

Le Fairchild (M-224) à voilure soufflée et volets déflecteurs alimentés par quatre hélices couvrant toute l'envergure, comme notre Breguet 940, lequel a déjà prouvé ses qualités de STOL...
Source: Aviation Magazine n°294 du 1 mars 1960. 


Considérons ce cas-limite. Le souffle de l'hélice engendre sur l'aile des forces aérodynamiques bien connues, portance et traînées. Ces forces prennent naissance si un angle d'incidence supérieur à l'angle de portance nulle existe entre l'aile et le souffle. Cet angle est fourni en braquant les volets hypersustentateurs de bord de fuite, volets spécialement dessinés pour provoquer la déflexion maximum. Mais les forces aérodynamiques installées sur l'aile doivent aussi vaincre la traction de l'hélice qui est, bien sûr, liée à l'aile qui la porte. Pour cela, il convient de cabrer l'ensemble de façon que la résultante des forces aérodynamiques et de la traction d'hélice soit verticale. Si cette résultante équilibre le poids de l'avion, on obtiendra le vol stationnaire. A ce moment, le souffle des hélices sera dévié verticalement vers le bas. Deux facteurs sont alors à considérer : l'angle de déflexion et le rendement de déflexion. Les études ont montré qu'avec un angle de déflexion de 60°, on parvenait à un rendement proche de l'unité, ce qui signifie que presque toute la quantité de mouvement engendrée par l'hélice se retrouvait dans la nouvelle direction déviée de 60°. 
Dans ce cas, on est encore loin de la verticale et il faut alors donner à l'avion une assiette de 30° cabrée pour y parvenir.
Ne visant pas l'appareil VTOL , décollage et atterrissage verticaux, mais le type STOL à décollage et atterrissage très courts, les techniciens de Vélizy se sont tenus à un angle de déflexion de 70°, déjà très satisfaisant et fournissant un excellent rendement.
La solution actuelle s'appuie donc sur un compromis faisant appel à la fois, mais dans des proportions très différentes, au souffle des hélices et à la vitesse d'avancement, dont les actions s'ajoutent. Et elles s'ajoutent pour produire des résultats très intéressant. Par rapport au décollage absolument vertical, le simple fait de rouler sur 50 mètres permet de doubler le poids sustenté et de le tripler si l'on dispose de 200 m de roulement ! On voit donc que, par un raisonnement inverse, la possibilité de décollage vertical se paie très cher. En effet, pour un poids donné, et dans le cas du Br-940 dont les essais servirent à déterminer ces éléments, 10 000 ch sont nécessaires pour décoller verticalement alors que 1 200 ch sont suffisants pour emporter le même appareil à 300 km/h en palier. Par contre, un appareil de la même formule décollant à la verticale avec 10 000 ch sera capable d'atteindre près de 700 km/h en palier.
La possibilité d'utilisation est donc très large et les vues de Breguet portent sur deux types d'emploi bien particulier : d'une part le décollage vertical dans les cas exceptionnels et, d'autre part et surtout,  la possibilité de surcharger l'avion dès qu'une latitude de roulement, si mince soit-elle, est permise, ceci afin de bénéficier au maximum de l'avantage dont on vient de parler et que l'on retire d'un roulement initial.

Tout ce qui précède est relatif au décollage. En ce qui concerne l'atterrissage, les choses furent plus délicates, compte tenu que l'on voulait une forte pente de descente et le moindre roulement. Le soufflage de la voilure induit une forte traînée, et ces facteurs augmentent quand le souffle, soit le régime des hélices , augmente. Et on arrive à ce paradoxe que lorsque le coefficient de traction est trop élevé, l'avion refuse de descendre ! Les essais en vol du Br-940 ont permis de défricher les procédures d'atterrissage et on est arrivé à des résultats venant surpasser les prévisions les plus optimistes.
En ce qui concerne le contrôle de la machine, qui ne pose pas de problèmes en palier, les solutions présentées par le Br-940 se sont révélées efficaces et les craintes que l'on pouvait formuler quant à l'efficacité des gouvernes de queue se sont révélées vaines. Le seul avantage particulier du Br-941 sur le Br-940 résidera dans sa possibilité d'utiliser ses hélices à pas réversibles qui viendront diminuer encore les longueurs de roulement à l'atterrissage et soulager les freins de roues. 
L'avion expérimental Bréguet Br-940 "Intégral" qui a largement dépassé les performances exigées, laisse bien augurer de son développement, le futur Bréguet Br-941.
Source: Aviation Magazine n°277 du 15 juin 1959.


"" La solution Breguet ""
Avec l'aile soufflée, on arrive à une solution venant se placer entre l'hélicoptère, qui permet l'envol vertical, et de l'avion qui se flatte de performances de charge et de vitesse incomparables.
Le Br-941 sera, littéralement, un avion à rentabilité, selon les longueurs de terrains dont il disposera. On a vu que le décollage absolument vertical coûtait très cher avec une aile fixe soufflée par les hélices et, en laissant cet apanage à l'hélicoptère, donc en acceptant une faible longueur de roulement, l'aile soufflée offre alors des performances charge-vitesse identiques à celles d'un avion tout en s'affranchissant des sujétions d’infrastructure. Le compromis est des plus intéressants : en effet, l'hélicoptère est capable de décoller, d'atterrir et, par conséquent, d'opérer à partir de terrains ayant des dimensions égales ou double ou au triple du diamètre de son rotor, mais, en fait, il accepte volontiers un espace plus grand quoique toujours interdit aux avions classiques.
Cet espace plus grand est, par contre, accessible au STOL du genre Breguet 941 qui se présente alors avec une rentabilité quatre fois supérieure au moins.
Si donc, le STOL ne peut prétendre supplanter l'hélicoptère, lequel reste l'appareil idéal pour certaines missions nécessitant et exploitant les possibilités de vol stationnaire et d'évolutions absolument verticales, ravitaillement de points en montagne, grue volante, missions spéciales, etc..., il "grignote" tout de même sérieusement le domaine d'utilisation de son concurrent à voilure tournante...
C'est surtout au détriment de l'hélicoptère que le STOL trouve une place de choix entre celui-ci et l'avion.
Mais l'avion classique est aussi menacé, du moins dans une partie de son domaine, et on est en droit de se demander si la lutte entreprise contre les pistes par Breguet n'aura pas de résultats plus retentissants encore que ceux pouvant apparaître aujourd'hui.
Considérons le cas extrême du transport aérien long-courrier. Respectant la terrible loi du progrès à la marche inexorable, les techniciens pensent à l'avion super et même hypersonique devant mettre Paris à deux heures ou trois heures de New York et ceci au moment où les compagnies se débattent au milieu de difficultés techniques et financières très alarmantes. En dehors des fantastiques sujétions d'infrastructure, de navigation, de trafic grévant l'emploi de tels avions, l'éloignement des grands aérodromes reste un grave inconvénient du transport aérien et si l'avion est capable, un jour, de traverser l'Atlantique en trois heures, le passager ne pourra jamais espérer joindre le centre des deux villes, départ et arrivée, en moins de cinq heures, le gain de temps n'étant plus que de 50% sur les temps actuels, alors que l'avion seul apporte un gain de 70% au moins. Pour bénéficier au mieux du progrès, il convient alors que l'avion supersonique soit à décollage vertical ou très court, ce qui reste techniquement possible puisque la puissance nécessaire pour voler à Mach 3 est suffisante pour décoller verticalement. Dans ce cas, on rejoint les vues des techniciens de Breguet, mais un tel avion ne pourra voir le jour qu'au prix, nous disons bien au prix, d'études phénoménales. Qui paiera ?.
Dans le domaine du transport à petite et même moyenne distance, le STOL subsonique rapide, à hélices, devrait devenir le moyen de transport rentable par excellence.
Un avion venant de Rome ou de Londres à 600 km/h de moyenne et se posant à Issy-Les-Moulineaux, par exemple, au lieu d'Orly ou le Bourget, remplira sa cabine à tous les coups. De plus, se contentant d'une infrastructure réduite, il pourra toucher un très grand nombre de villes dont le développement mériterait la visite d'avions commerciaux. Enfin, dans le domaine militaire, la disposition d'un appareil de transport de charges ou de troupes pouvant toucher la proximité immédiate de la zone d'opérations comblera les besoins des Etats-Majors toujours à la recherche du véritable cargo d'assaut...
En conclusion, dans le transport maritime, les ports n'ont pas tellement changé depuis Colbert... De même, les routes actuelles datent de longtemps. On assiste, avec l'avion, au fait qu'à l'encontre du bateau ou de la voiture, ses performances accrues doivent se payer de servitudes de plus en plus lourdes au sol...
En matière d'aviation, c'est le véhicule que l'on doit transformer !.


"" Du General Electric T58... ""
Le Breguet 941 doit sa puissance à quatre groupes à turbines libres dont la puissance oscille autour des 1 200 ch, alors que le prototype expérimental Br-940 doit ses performances à quatre Turboméca "Turmo" II de 400 ch, l'appareil définitif demande au moins 1 200 ch par moteur. Ce moteur n'étant pas disponible en France, il a fallu s'adresser à l'étranger. Parmi les productions américaines, le T58 de la General Electric offrait les meilleures garanties de performances et de longévité. Développé depuis plus de quatre années, le T58 a totalisé aujourd'hui plus de 14 000 heures de fonctionnement, tant au banc qu'en vol. Après avoir subi avec succès les tests sous les conditions de froid et de température élevée, le T58 fut essayé en vol à partir de 1957 sur un hélicoptère Sikorsky S-58 désigné HSS-1F cependant qu'un couple de moteurs était à son tour essayé à partir de septembre de la même année, sur un birotor Vertol H-21D.
Monté ensuite sur le nouvel hélicoptère Sikorsky S-62, le T58 totalisa d'abord 200 heures de vol sans aucune histoire. Aujourd'hui, il équipe, ou est en voie d'équiper, le nouveau Vertol 107, le Kaman HU2K-1 et les Sikorsky S-61 biturbine et HSS-2 version du précédent.
Egalement étudié pour animer des appareils VTOL et STOL, le T58 est prévu pour équipement du Kaman K-16 et du Fairchild M-224, entre autres. Son succès ne devait pas tarder à franchir les frontières des USA. En Angleterre De Havilland en a acquis la licence et présente maintenant le "Gnome" sous deux versions, le "Gnome" H-1000 (D.Ge1) destiné à l'entraînement des rotors d'hélicoptères et le "Gnome" P-1000 qui est un véritable turbopropulseur. C'est le "Gnome" qui équipera le Br-941, bénéficiant des enseignements obtenus par le General Electric dans le développement de sa turbomachine. Celle-ci, partie à 700 ch en est maintenant à 1 250 ch avec le type de production T58-6.
L'augmentation de puissance s'est accompagnée d'une baisse sensible de la consommation spécifique, baisse atteignant 17% avec  le T58-6 actuel et 20% avec le T58-8 en développement. 
  Soldats américains dans un UH-34B HSS-1F (US Marine S-58) en novembre 1967 à PhuBai. Sud Vietnam.
Source: Helicopters 1900-1960 aux éditions Phoebus Publishing 1977.   
                              
Superbe photo: un "gun man" à l'air libre effectue la protection latérale et arrière des Piasecki H-21 survolant les rizières ù se tapissent les Viets-Congs... Mais la cible offerte par une "banane" est bien trop belle: il est souvent trop tard pour riposter.
                Source: Aviation Magazine n°390 du 1 mars 1964.
        Le Sikorski S-62 est le premier hélicoptère amphibie à coque, avec 2 ballonnets  latéraux. Il est équipé d'une turbine libre General Electric T58. En version civile, il pourra emporter 25 passagers à environ 150 km/h sur des étapes de 450 km.
Source: Science et Vie spécial aviation 1959.
   Premier vol de la version militaire du Boeing-Vertol 107, le 24 octobre 1960 à Morton.
Source: Aviation Magazine n°312 du 1 décembre 1960.
Champion de l'hélicoptère à rotors engrenant, la firme Kaman a fait une entrée retentissante dans le domaine de l'hélicoptère monorotor : son modèle HU2K-1 est commandé par l'U.S. Navy.
Source: Aviation Magazine n°294 du 1 mars 1960. 
Au parking le Sikorski S-61 prêt à décoller vers la périphérie de Los Angeles : nous en sommes ici, si vous voulez, au "train" de banlieue, échelle américaine.
Source:Aviation Magazine n°377 du 15 août 1963.


"" ... au De Havilland "Gnome ""
Le T58 est une turbomachine comprenant, grossièrement, un compresseur axial à 10 étages, une chambre de combustion annulaire, une turbine haute pression à deux étages entraînant le compresseur et une turbine libre de travail.
L'arbre de cette turbine libre entraîne, vers l'arrière du moteur dont il traverse la tuyère coudée vers le bas, un premier train réducteur. Sur le T58, ce train peut délivrer le mouvement sur ses faces avant ou arrière indifféremment.
C'est de cet endroit que part le mouvement vers le rotor d'hélicoptère, avec un rapport supplémentaire de réduction qui reste à la charge du constructeur. De Havilland a tiré du T58 ainsi défini un turbopropulseur dont la partie d'entraînement de l'hélice consiste en un arbre courant, à partir du premier boîtier réducteur, vers l'avant et au-dessus du moteur pour attaquer le second boîtier de réduction attaquant l'hélice et se trouvant ainsi, au-dessus et en amont de l'entrée d'air.
Dans le cas particulier du Br-941, comme ce fut celui du Br-940, une synchronisation des quatre moteurs est nécessaire et De Havilland réalisa également cette partie importante du grand ensemble propulseur de l'avion, à partir du premier boîtier de réduction, placé à l'arrière. Bien sûr, le principe général reste le même que celui adopté sur le Br-940 et que nous avons largement exposé dans notre numéro 250 du 1 mai 1958, mais il s'agit, maintenant, d'absorber ou de transmettre 5 000 ch et plus au lieu de 1 6000.   
Groupe turbopropulseur
1 Générateur de gaz (22 600 t/mn).
2 Turbine libre (20 000 t/mn).
3 Tuyère d'éjection.
4 Réducteur arrière.
5 Entraînement arbres de synchronisation.
6 Arbre d'entraînement supérieur (6 000 t/mn).
7 Réducteur d'hélice.
8 Arbre d'hélice (1 200 t/mn).
9 Points d'attache groupe.
De Havilland "Gnome", cette turbine libre de 1 000 ch, dont on distingue vers la gauche le réducteur, est d'un encombrement réduit et ne pèse que 160 kg.
Source: Science et Vie spécial aviation 1959. 

"" Présentation du Breguet 941 ""
En résumé, le Br-941 est un avion, insistons sur le fait qu'il s'agit d'un véritable avion et non pas d'un engin plus ou moins tourmenté, de transport moyen conçu pour les étapes allant de 200 à 1 800 km et utilisant des terrains dont les dimensions peuvent être réduites à 200 et 400 m, selon la longueur de l'étape ou la charge à enlever. Capable de satisfaire à la fois les désirs des utilisateurs civils et militaires, il a été étudié en deux versions de base : transport de passagers, cargo civil ou militaire.
Photo du haut: Maquette en bois du Br-941 montrant les possibilités de chargement par l'arrière, grâce aux portes et rampes de chargement très dimensionnées. En bas: Deux versions du Br-941 apparaissent avec les maquettes, transport de passagers et transport de fret ou de véhicules, sous des aspects divers.
Source: Aviation Magazine n°277 du 15 juin 1959.


Soulignons tout de suite qu'appelé à opérer à partir de terrains de très petites dimensions, donc ne disposant pas d'installations au sol importantes, le Br-941 a été doté de moyens d'accès autonomes, entre autres systèmes le rendant parfaitement libre et affranchi de toute sujétion au sol.
Les principes généraux de conception de l'appareil comprennent notamment : une voilure fixe à très forte sustentation comprenant des volets en deux éléments, dont un à déflecteur pouvant être braqué jusqu'à 90°. Quatre hélices soufflant la totalité de l'envergure, cette envergure étant globalement intéressée par les volets. Ces hélices sont entraînées par des turbopropulseurs à turbine libre et sont solidarisées par des arbres de synchronisation assurant un effort de traction ou un soufflage continus en envergure quelle que soit la répartition des sources de puissance.
Ainsi, le Br-941 est parfaitement capable de soutenir un vol de croisière avec deux turbines arrêtées, l'arrêt de ces turbines n'impliquant aucunement celui des deux hélices correspondantes.
Enfin, quatre hélices qui sont le siège de mécanismes de commande de pas assurant : une parfaite synchronisation en vol normal, une variation différentielle du pas des hélices extrêmes entre elles pour le contrôle de l'avion en lacet, compensation du lacet inverse des ailerons participant à l'hypersustentation et même naissance d'un lacet direct favorable, et une autre variation de pas des hélices extrêmes par rapport aux hélices internes, pour réaliser, par adoption d'un petit pas, un effet de freinage en vol. Ajoutons que les hélices du Br-941 sont dotées de la réversibilité accordant un freinage très puissant à l'atterrissage.
A cela ajoutons des gouvernes de vol classiques. Ailerons et spoilers pour le gauchissement, gouvernes conventionnelles pour la profondeur et la direction. A ce sujet, il convient de remarquer que les techniciens de Breguet ont dépensé beaucoup d'heures de travail et d'essais pour parvenir à rendre efficaces ces gouvernes, et qu'étant arrivés à des résultats satisfaisants, ils ont pu se priver de solutions telles que celle de soufflage propre aux gouvernes dont la complexité aurait constitué une source supplémentaire de frais, de réalisation comme d'entretien...
Soulignons, pour finir, que l'appareil a été étudié et calculé pour répondre aux normes françaises Air 2051 et américaines CAR 4b et SR-422A. 
La maquette motorisée du futur Br-941 fut expérimentée dans le tunnel aérodynamique de la firme Breguet à Vélizy, et fournit d'utiles enseignements sur le comportement et l'efficacité de l'aile soufflée et des empennages classiques.
Source: Aviation Magazine n°277 du 15 juin 1959.


La voilure: Présente, à l'encontre de celle du Br-940, une forme en plan trapézoïdale à bouts francs. Pour une envergure de 23,20 m, la surface ressort à 85,60 m², soit un allongement de 6,5. Les cordes sont respectivement de 4,35 m, à la racine et 2,45 m en bouts. 
Vue de face, l'aile en porte-à-faux affecte un dièdre simple de 5° mesurés selon l'intrados. De construction entièrement métallique, l'aile est traitée en bilongeron avec caisson interlongeron contenant la totalité du combustible logé en réservoir structuraux. En avant de ce caisson, on trouve les quatre turbines De Havilland "Gnome" réparties en envergure. Les deux turbines intérieures sont espacées de 8,40 m, soit à 4,20 m de l'axe du fuselage, cependant que les groupes extérieurs sont eux-mêmes placés à 4,60 m des précédents.
Chaque turbine entraîne une hélice de 4,50 m de diamètre, mais on a vu que le système de synchronisation permettait aux quatre hélices de tourner simultanément, quels que soient le nombre ou la disposition des turbines en fonctionnement. L'arrière du caisson de voilure recèle les volets dont le dessin et la cinématique sont semblables à ceux du prototype Br-940.
Croquis du Breguet Br-941.  Source: Aviation Magazine n°277 du 15 juin 1959.

Le fuselage: De section quadrangulaire dans sa région de maître-couple, est susceptible de recevoir des aménagements très différents.
En version civile, le poste de pilotage est prévu pour deux pilotes et la cabine reçoit 40 passagers en version normale et 48 en version à haute densité. Une soute à bagages est aménagée à l'avant et sur le côté droit, cependant que l'espace disponible à l'arrière pourra recevoir des bagages à main ou un vestiaire sans nuire au centrage.
Dans la version militaire, le poste de pilotage pourra être triplace et la cabine devenue soute recevra une grande variété de chargement ou d'aménagements, 24 brancards, ou des véhicules, ou des charges diverses prendront place aisément.
Il est bien évident que la version militaire de transport de fret peut convenir aussi bien aux versions civiles de même emploi. Dans le transport de passagers, l'accès est assuré par une porte avant gauche de 1,80 m sur 0,80 m, et par une trappe escalier arrière du genre "Caravelle". En version de transport de charge, l'arrière du fuselage s'ouvre en trois parties principales : deux arrières latérales et une en amont des précédentes, faisant office de rampe de d'embarquement.
Cette est équipée de deux éléments permettant d'admettre les véhicules à partir du sol. Ces éléments se relèvent verticalement à l'intérieur de la soute lorsque la rampe se referme. En démontant ces éléments, on peut admettre des charges placées sur camions-plateaux. Enfin, en démontant très rapidement la rampe elle-même, des charges extrêmement lourdes peuvent être introduites directement. Soulignons que ces facilités sont encore accrues par les possibilités offertes par le train d'atterrissage sur lequel nous revenons plus loin. Il semble que tous les cas de chargement possibles ont été étudiés et pourvus d'une solution rationnelle.
Mentionnons que la soute offre une surface de plancher de 24 m² pour un volume utilisable de 52 m² et que le gabarit permet l'accès à un camion G.M.C. tôlé. Dans toutes les versions, la cabine est insonorisée, calorifugée et pourvue d'un dispositif de conditionnement d'air.
Les empennages, classiques, comprennent une surface verticale axiale de 5 m, de hauteur à partir du dos du fuselage et un stabilisateur d'une envergure de 10 m. Ce dernier est trapézoïdal et présente une corde de 3,15 m à l'emplanture et 2 m en bouts. 
Le fuselage du prototype du Breguet Br-941 et son aménagement, cependant que la voilure est assemblée par ailleurs.
Source: Aviation Magazine n°309 du 15 octobre 1960.     
La porte avant gauche pour le transport de passagers sur un Breguet Br-941 S.
Source: La revue Mach 1 n°21 aux éditions Atlas.


Le train d'atterrissage: Offre plus d'une particularité. D'une voie de 3,55 m, pour un empattement de 6,85 m, il a été réalisé par Messier et consiste en un diabolo avant et deux tandems latéraux principaux. Chaque tandem comprend, bien sûr, deux roues portées par des demi-fourches articulées chacune à l'extrémité d'un tube fixe.
Ce tube recèle l'amortisseur commun aux deux roues et solidarisé à celles-ci par des guignols et des biellettes. Les vérins de relevage sont aussi contenus dans ce tube, ainsi que les dispositifs spéciaux.
Ces derniers permettent un affaissement général provoquant l'abaissement du plancher de soute au droit de l'arrière de l'arrière. De plus, une roue arrière en tandem peut se relever seule pour permettre à l'avion de tourner pratiquement sur lui-même lors des évolutions au sol. Les pneus sont, bien entendu, à basse pression et gonflés à 4,5 kg/cm².  
Vue d'ensemble de l'atterrisseur principal.
1 Ensemble vérin-amortisseur incorporé.
2 Accumulateur.
3 Contrefiches d'attache.
4 Articulations des bras de train.
5 Bras de train.
6 Roue à frein Messier "Ministop".
7 Pneus à basse pression.
8 Boitier d'accrochage point haut.
9 Olive d'accrochage train haut.
Source: Aviation Magazine n°277 du 15 juin 1959.
Le Breguet 941 était le seul avion de transport capable d'emporter une charge de 7,5 tonnes sur une distance de 1 000 km, d'atterrir en toute sécurité sur un terrain non aménagé en moins de 175 mètres de roulement et de retourner à sa base de départ avec la même charge sans refaire le plein de combustible. Plus de 90% des véhicules à roues et à chenilles d'une division aéroportée pouvaient être enlevées de cette façon par le Breguet 941.
Source: Aviation Magazine n°393 du 15 avril 1964.


"" Caractéristiques du Breguet Br-941 ""
Envergure: 23,20 m.
Longueur: 21,60 m.
Hauteur: 8,90 m.
Surface alaire: 82,60 m².
Allongement: 6,5.
Version passagers: poids à vide équipé: 10 825 kg avec pétrole.
Charge marchande maximum: 5 175 kg.
Poids total normal: 16 000 kg.
Poids total maximum: 20 000 kg.
Version cargo: Poids à vide équipé: 10 480 kg avec pétrole.
Charge marchande maximum: 5 520 kg.
Poids total et maximum identiques.
Puissance: Quatre De Havilland "Gnome" de 1 250 ch.
Performances: Vitesse de croisière maximum 435 km/h.
Vitesse de croisière: 400 km/h.
Passage des 10,50 m au décollage avec panne d'un moteur, à 17 tonnes: 240 m. A 20 tonnes: 360 m. Passage des 15 m à l'atterrissage à 16 tonnes: 255 m.
Autonomie avec 40 passagers ou 4 tonnes de charge pour un passage des 10, 50 m au décollage en 200 m: 200 km; en 250 m: 700 km; en 300 m: 1 250 km; en 350 m: 1 750 km.
Autonomie avec charge maximum, réserve de 300 km et une demi-heure d'attente: 1 160 km.


"" La tournée Européenne du Breguet 941 ""


par Jacques Gambu, Aviation Magazine n°382 du 1 novembre 1963.

Le Breguet 941 opérationnel 

En 1963, le Breguet 941 a  achevé une longue tournée européenne de présentation qui, au cours d'un long voyage de 7 000 km, loin de sa base technique de Toulouse, pendant près d'un mois, a permis à l'avion prototype de montrer à tous ses étonnantes qualités. Cette tournée aura été émaillée d’anecdotes significatives et aussi de démonstrations retentissantes.
L'intérêt manifesté par les organismes civils et militaires des pays visités est flagrant. Certains de ces pays vont même jusqu'à passer commande de l'appareil... Il ne reste plus qu'à espérer que son développement dans sa propre patrie ne soit pas freiné pas d'obscures questions de modalités administratives qui risquent de placer le constructeur de Villacoublay-Vélizy dans une position critique, à deux doigts de la réussite totale...
La grande tournée commença un après-midi d'octobre, à Toulouse.
Deux appareils étaient au parking Breguet : le Br-941 bien entendu, et un Nord 2501 du CEAM piloté par le capitaine Traineau qui, au sein de cet organisme d'Etat, avait eu 50 heures de vol pour se faire une opinion sur le STOL français.
Le Noratlas était chargé d'assurer l'accompagnement du Br-941 durant toute sa tournée avec, dans sa soute, tout le matériel d'entretien et de rechange que la sortie d'un prototype hors de sa base rendait nécessaire.
Première étape Toulouse-Gênes: Nous étions de e vol qui débuta le vendredi 4 octobre avec arrivée dans le grand port italien à la nuit tombée. Le terrain de Gênes a été entièrement gagné sur la mer et l'approche est assez caractéristiques, avec passage sur la balise extérieure de l'ILS/VOR à 4 500 pieds (1 350 mètres) en raison de nombreuses "bosses" qui cernent de près l'aéroport...
Le Breguet 941, après un voyage sans histoire, se sortit très bien d'affaire et, malgré la nuit, son atterrissage suivi du dégagement par la première "bretelle", impressionna d'entrée les quelques spectateurs qui l'attendaient.
Le lendemain samedi, puis le dimanche, au grand jour, l'appareil manié de main de maître par Bernard Witt pilote, Joyeuse, ingénieur d'essai navigant et Harquin mécanicien, commençait le cycle de ses démonstrations toujours étonnantes...
Disons tout de suite que le Br-941 effectuera, tout au long de son voyage, ses présentation avec charge qui, à chaque atterrissage, était clairement et rapidement d'ailleurs montrée aux spectateurs ou aux observateurs. En fait nous pouvons affirmer que cette tournée à caractère commercial s'est déroulée dans les véritables conditions d'une succession de vols opérationnels. Ceci depuis les simples vols de convoyage jusqu'aux présentation proprement dites.
L'ami A.Van Buylaere nous dit, par ailleurs, ce que fit l'avion à Bruxelles même et non plus sur l'aéroport international de la capitale belge...
Chaque démonstration fut organisée de telle façon que l'avion, pour mettre en valeur ses extraordinaires qualités exploitait toutes les possibilités offertes par la région visitée.
A Bruxelles, ce fut l'héliport, à Dijon, ce fut une prairie, ailleurs, ce furent d'autres sites tous plus ou moins inaccessibles à tout avion conventionnel.     
Photo de mauvaise qualité, mais elle est historique: Les Bruxellois n'en reviennent pas, en plein cœur de Bruxelles, au-dessus de l'Allée verte, l'héliport de la capital belge, le Breguet 941 se présente en configuration d'atterrissage, parmi grues et pylônes, en toute sécurité...
Source:Aviation Magazine n)382 du 1 novembre 1963.


"" Aux manœuvres nationales ""
Ces grandes manœuvres nationales se déroulèrent dans la région de Dijon du 9 au 12 octobre 1963. Elles se déroulèrent surtout à terre. Mais l'aviation eu tout de même sa part de travail, malgré le temps le plus souvent défavorable. Dans ce modeste concert, le Breguet 941 se tailla la part du lion.    
Photos de mauvaise qualité, j'en conviens, mais elles sont historiques: Au cours des manoeuvres nationales, le Breguet 941 a fait une brillante démonstration de ses possibilités en opérations, se posant comme on le voit, par mauvais temps et en pleine nature, sur un terrain de 150 mètres, près du village de Broye-les-Pesmes, en Haute-Saône. Le vaillant prototype fit également des démonstrations de transport de matériel et de commandos.

Le 10 octobre, faisant un crochet en France dans sa tournée, l'appareil décollait de la base de Dijon. A son bord, l'équipage avait accueilli le général Ailleret, chef d'Etat-Major des Armées, des officiers de son Etat-Major et la "Jeep" de commandement. Le temps était mauvais, le plafond bas et un brouillard recouvrait la vallée de la Saône. En bordure de celle-ci, non loin de Broye-les- Pesmes, parmi un fatras de peupliers, de lignes électriques et autres obstacles, l'avion se présenta à 9h38 exactement au-dessus d'un ridicule terrain de 150 mètres de long. Une centaine lui suffit pour atterrir et s'alléger de sa précieuse cargaison.
Le temps était si mauvais à ce moment, qu'il avait fallu décommander le largage massif et concentré de 800 parachutistes. Le Breguet 941, seul moyen aérien alors en état de travailler, avec les hélicoptères, se remit sur la brèche et alla quérir à Dijon 50 commandos complètement armés qu'il déposa en rase-campagne où quatre hélicoptères H-34 les recevaient à leur tour pour les conduire sur la ligne de front...     
Le prototype du Breguet 941.   Source: Aviation Magazine n°382 du 1 novembre 1963.
  Les artisans de la présentation du Br-941/ M. Joyeuse, le capitaine Traineau, MM. Witt, Raffin, Henry Ziegler et Jaillard.
Source: Aviation Magazine n°382 du 1 novembre 1963.

Mais cela n'était pas suffisant et le vaillant prototype repartit à nouveau pour revenir se poser et décharger alors deux "Jeep" qui furent prises en charge, sous élingue, par deux autres H-34.
Cette série de vols spectaculaires effectués devant un parterre d'officiers de toutes armes et des représentants des forces armées étrangères mit en évidence les promesses que recèle la version de série du Breguet 941. Cela échappa si peu aux observateurs que le général Ailleret adressa un message de félicitations à la direction de la société Breguet.
Ainsi, au beau milieu de sa tournée, l'appareil avait donné une brillante démonstration de ce que peut faire un authentique STOL.
Et, si nous n'avons pu juger de l'intérêt que le Br-941 suscita lors des premiers jours de son grand voyage, nous savons maintenant que cet intérêt devint souvent un véritable engouement.
Gênes, Rome, Berne, Bruxelles, Oslo, Stockholm, Amsterdam ont reçu la visite du Br-941. Des observateurs de toutes les disciplines militaires et civiles ont assisté à ses vols, certains ont même participé aux démonstrations.
Les échos qui se répercutent dans les grandes directions et dans les bureaux militaires ne peuvent manquer de trouver de flatteuses résonances pour le constructeur français qui détient le seul véritable STOL du monde...

"" Après le tour d'Europe du Br-941 ""

Source: Aviation Magazine du 15 novembre 1963.

Au terme de sa triomphale tournée européenne,le Breguet 941 s'est posé le 29 octobre dernier sur l'héliport d'Issy-les-Moulineaux.
Ce fut l'occasion, pour M. Henry Ziegler, administrateur directeur général de la société Breguet de tirer les conclusions du voyage :
Sept pays étrangers visités 6 500 km parcourus sans incidents, 45 heures de vol dont 25 heures de démonstration, 120 atterrissages; 600 personnes ayant volé à bord du prototype qui démontra, une fois de plus, sa robustesse, son endurance et sa simplicité de conception.
Partout un incontestable intérêt, M. Ziegler tint également à souligner la tenue irréprochable de l'axe de transmission mis au point par Hispano-Suiza, l'excellence du train d'atterrissage Messier au terme des 600 heures de vol que totalise le prototype.
Il nota aussi la bonne tenue des turbines Turboméca "Turmo" III et des hélices Ratier dont l'inversion de pas de frein naturel, permet de ne changer les pneus qu'après le 300° atterrissage.
"L'intérêt soulevé actuellement par le Breguet 941, conclut M. Ziegler, permet d'envisager la construction de l'appareil sur une vaste échelle, dans le cadre d'une coopération industrielle mondiale." 
Le Breguet Br-941 sur Paris.      Source: Aviation Magazine n°537 du 14 mai 1970. 
Plan trois vues d'une version civile du Breguet Br-941, le Br-942, version à cabine pressurisée.
Source: Aviation Magazine n°296 du 1 avril 1960.


"" Épilogue d'un avion en avance sur son temps ""
Source: Aviation Magazine n°382 du 1 novembre 1963.

Sur le carnet de commandes en 1963: La tournée de la petite Europe effectuée par le Breguet Br-941, a commencé comme il fallait s'y attendre, impressionné bon nombre de connaisseurs étrangers. Et déjà, on peut annoncer une commande de 25 appareils du type effectuée par l'Italie, tandis que la Belgique manifesterait le même désir de posséder l'avion révolutionnaire de la société Breguet...

Pour l'Amérique: En dépit de vol de démonstration prometteurs et d'un accord de licence avec Mc Donnell-Douglas, seuls quatre exemplaires furent construits pour l'armée de l'air française et le principe n'eut pas de suite, malgré un marché prometteur envisagé non seulement pour les militaires mais, aussi, chez les opérateurs civils dans les régions isolées du grand nord ou même dans le cadre de liaison métropolitaines. 
Aussi connu sous le nom de Mc Donnell-Douglas 188, il a été utilisé par American Airlines et Eastern Air Lines.
Mc Donnell-Douglas a appliqué les techniques du Breguet Br-941 sur son quadri-réacteur YC-15, qui a été présenté au Salon du Bourget en 1977. Lui aussi n'a pas eu plus de chance que le Br-941, ce prototype sera lui aussi sera abandonné, ainsi que le Boeing Model 953 (YC-14).
Source: Le site Wikipédia, l'Encyclopédie Libre.


"" Les appareils américains ""
  Le Mc Donnell Douglas YC-15 devait ses remarquables capacités ADAC à ses volets à double fente soufflées par le flux de ses réacteurs.
Source: L'encyclopédie de l'aviation n°123 aux éditions Atlas.
Boeing a réalisé, dans le cadre du programme AMST (Advanced Medium STOL Transport), ce bimoteur General Electric CF6-50, désigné YC-14, à voilure localement supercritique et soufflage.
Source: Aviation Magazine n°755 de 1 juin au 30 juin 1979.


Pour terminer avec cet étonnant avion qui était le Breguet Br-941, en 2014, il reste deux exemplaires de cet avion : Le premier est dans les réserves extérieures du Musée de l'Air et de l'Espace au Bourget. Le second se trouve dans un parc d'attraction sur l'aérodrome d'Aubenas en Ardèche, dans un bon état de conservation.
Le Breguet Br-941 au 25e Salon du Bourget.  Source: Aviation Magazine n°374 du 1 juillet 1963.
Le Breguet Br-941 du Bourget, à l'époque en 1980, il était encore devant sur le grand parking, avant de rejoindre les réserves, comble de malchance, je n'avais plus de pellicule, donc pas beaucoup de photos sur le Br-941, à l'époque le numérique n'était pas encore d'actualité...



                                                                  Jean-Marie.
  











































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